Idées
reçues sur le féminisme
Benjamin Sharpe
Les réponses apportées ici sont des
opinions personnelles relatives à la conception que l’auteur a du féminisme, et
ne prétend pas à apporter de vérité générale. Le féminisme, comme tout
mouvement militant, est un agglomérat hétérogène d’opinions, de volontés et
d’origines.
On ne peut plus faire d’humour FAUX
A une époque l’humour consistait
à se colorier le visage en noir et gesticuler sur une place publique pour se
moquer des personnes de couleur. Aujourd’hui le blackface est globalement
considéré comme raciste. En revanche on peut citer nombre d’humoristes reconnus
sans pour autant faire de blagues racistes ou sexistes. Cela demande simplement
l’effort de se remettre en question et de recycler son répertoire. Après tout
la comédie est un exercice créatif.
Le politiquement correct va nous transformer en clones PAS SI SIMPLE
Tout d’abord questionner
l’origine de nos jugements est un bon exercice d’introspection qui conduit à la
tolérance et au respect d’autrui. Ensuite le féminisme n’interdit ni n’oblige à
rien. Il a en revanche conscience de l’impact que peuvent avoir les mots sur
l’éducation et la construction de soi, et sait par exemple que
l’objectivisation du corps des femmes dans les médias, l’école, la famille, les
cercles d’amitié peut influencer la perception que les individus peuvent en
avoir. Le féminisme prône donc la vigilance dans ces contextes. De plus en
cherchant à libérer la parole des femmes par leur plein accès à des postes
créatifs, dirigeants, inspirants, le féminisme va au contraire éveiller une
nouvelle diversité de pensée.
Le féminisme veut la supériorité des femmes, pas l’égalité, on devrait
parler d’humanisme FAUX
L’humanisme est une philosophie
qui place l'être humain et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs.
C’est peut-être de cette étymologie que vient la confusion sur le mot
féminisme. Or le féminisme est défini comme un mouvement militant pour
l'amélioration et l'extension du rôle et des droits des femmes dans la société.
Il se focalise sur l’écart qui existe encore entre les droits des femmes et
ceux des hommes. Il se trouve que cet écart est majoritairement négatif, lutter
contre implique donc bien d’améliorer et d’étendre ces droits.
Les hommes aussi ont leurs problèmes PAS SI SIMPLE
Tout individu rencontre des
difficultés dans sa vie, qu’il est normal de vouloir affronter. Le féminisme se
focalise sur un lot de difficultés que rencontrent des femmes de par leur
simple nature biologique. Il ne discrédite pas pour autant les autres, mais
comprend qu’une lutte générale peut être menée contre les causes d’écarts de
droits des femmes. Les hommes ont également des difficultés liées à leur sexe,
et les féministes accueilleraient avec plaisir un masculinisme qui lutterait
pour le droit à un congé paternel égal à celui maternel, le droit de se
maquiller ou de porter une robe.
Toutes les femmes ne sont pas féministes, certaines sont même contre VRAI
Certaines femmes n’ont pas
expérimenté de difficultés liées à leur sexe ou ne les ont pas analysées comme
tel. D’autres considèrent que ces difficultés doivent s’affronter
individuellement et ne devraient pas être généralisées. Le féminisme ne lutte
pas pour ces femmes, il lutte pour celles qui ont expérimenté des difficultés
liées à leur sexe et considèrent qu’il s’agit d’une lutte commune. Le travers
du féminisme est que ses actions se répercutent sur toutes les femmes, de la
même manière que la lutte contre la ségrégation se répercute sur toutes les
personnes de couleur. Malheureusement pour obtenir de nouveaux droits généraux,
il est nécessaire de mener une lutte générale contre les causes générales de
ces écarts de droits.
Les féministes pensent que tous les hommes sont des violeurs FAUX
En revanche lors d’une étude du
docteur en psychologie et en criminologie Massil Benbouriche sur un échantillon
de 150 hommes âgés de 21 à 35 ans, tous équilibrés mentalement et déclarant
n'avoir jamais commis d'agression sexuelle, 30% des interrogés se sont dits
prêts à violer une femme s'ils étaient sûrs qu'il n'y aurait aucune poursuite
judiciaire. La cause de cela est la culture du viol, que le féminisme combat.
Si tous les hommes ne sont pas des violeurs, tous devraient se demander s’ils
pourraient le devenir et pourquoi. Dire que c’est les autres et pas moi, c’est
refuser de se remettre en question.
Le féminisme n’a plus lieu d’être aujourd’hui FAUX
Si des combats fondamentaux ont
déjà été remportés dans certaines régions du monde : droit de vote, à
l’indépendance financière, à l’avortement, on est loin d’avoir fini. Les
Etats-Etats reviennent sur l’ivg, l’égalité salariale n’est encore atteinte
nulle part, les carrières fulgurantes et postes dirigeants ou créatifs encore
très masculins. Et la lutte majeure de cette génération est celle de
l’image : en finir avec l’objectivisation des femmes dans les médias,
berceau de la culture du viol encore trop ancrée, donner plus de
responsabilités au travail et moins à la maison. Même les femmes sceptiques ou
critiques envers le féminisme reconnaissent le fardeau de la charge mentale ou
les difficultés professionnelles supplémentaires.
Le féminisme tue le romantisme et la sexualité spontanées FAUX
En fait non. Mais si vous
confondez séduction et harcèlement, cela explique peut-être vos difficultés. Et
si dans votre tête ça marche, alors vous êtes nocif et avez raison de vous
inquiéter de l’évolution des mentalités. Malgré le bruit qu’elles font, les
femmes séduites par le harcèlement sont assez rares, et celles qui connaissent
la différence en ont marre.
Pour aller plus loin
Le Monde - Michelle Perrot : « L’absence
de solidarité des femmes signataires de cette tribune me sidère »
Dans un entretien, l’historienne réagit à la tribune critique
vis-à-vis de #metoo publiée dans « Le Monde » le 9 janvier.
Le Monde - Blandine
Grosjean : « De la résignation
au consentement, le problème de la « zone grise » entourant les
rapports sexuels »
Dans un texte écrit à la première personne, la
journaliste raconte comment beaucoup de femmes ont pris conscience de
la « zone grise » qui existe entre le consentement et le viol.
Les perles du mansplaining
« Forcément en parlant
à des femmes on voit les problèmes de femmes, tu as parlé à combien d’hommes de
leurs problèmes ?
Moi une fois je
raccompagnais une femme chez elle, et elle m’a demandé si je voulais monter,
avec des intentions claires... Je ne m’y attendais pas du tout, et je ne
voulais pas, cela m’a beaucoup dérangé. »
« Tout ce que tu décris
ce sont des cas particuliers, il faut arrêter de dire que c’est un problème des
hommes. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire