dimanche 25 décembre 2016

Rogue One : a Star Wars story

2016 - Gareth Edwards



En tant que spin-off, il pouvait prendre des libertés là où Le Retour De La Force n’avait que des contraintes. Et il les a prises ! Parfois film de guerre, parfois plutôt apocalyptique, il impose un rythme général aussi soutenu qu’irréprochable. Aucun temps mort, mais si l’action n’a pas d’interruption, elle n’est pas frénétique pour autant. Des forces, le film en a plein, à commencer par ses personnages, pour la plupart humains, à l’exception du petit favori robotique. Des personnages sortis de tous les univers sauf Star Wars, plongés dans un environnement d’une richesse esthétique immense. Beau autant que grandiose, tantôt d’une apaisante simplicité, tantôt d’une foisonnante complexité, ils se contemplent et ne s’oublient pas. Le scénario, sans être exceptionnel, s’insère à merveille dans la chronologie de la saga tout en assurant l’indépendance de cet opus. Petit bémol sur les musiques, composées en peu de temps, essentiellement reprises des thèmes de Williams. À part cela et les batailles de vaisseaux, tout est nouveau ! Ambiance, décors, enjeux... Et ce final... Émotionnel et mémorable ! Très peu de défauts, en vérité, et tellement de qualités ! Je le conseille à tous les fans de la saga, de science-fiction, d’épopée... à tout le monde, en fait.

Scénario : Chris Weitz et Tony Gilroy
Musique : Michael Giacchino
Photographie : Greig Fraser

lundi 19 décembre 2016

Premier contact

2016 - Denis Villeneuve



Il prend son temps sans le perdre. La situation est explicite après cinq minutes, pour ensuite pouvoir se consacrer pleinement au coeur du film : la communication. Des extra-terrestres sont là et ils ont un message, mais c’est moins ce qu’il ont à dire que la difficulté de le comprendre qui importe. Pour cela l’armée fait appel aux personnages de Amy Adams et Jeremy Reiner, une linguiste et un physicien, dont la passion va surpasser les considérations militaires plus pragmatiques. 
C’est une histoire de communication à partir de rien, face à une culture inconnue qui est pourtant la clé du langage, mais aussi de communication entre humains. Une histoire de coopération et d’information. Denis Villeneuve réalise ici un nouveau chef d’oeuvre, moins sombre que ses précédents, mais toujours centré sur l’humain et ses failles. C’est de la SF sans l’artillerie lourde, toute en subtilité, et qui ne gaspille pas une minute. Les musiques, bien plus présentes que dans Sicario, sont toujours chargées émotionnellement. Et si certains regretterons une certaine immobilité, voir une excessive simplicité, c’est peut-être qu’ils cherchaient un fond que la forme à elle seule peut combler. Enfin, retenez bien cela : tout n’est pas linéaire, à commencer par l’écriture...

Synopsis

Lorsque de gigantesques monolithes flottants apparaissent soudain dans 12 endroits du monde, l'armée s'empresse de recruter une équipe civile, en particulier une linguiste et un physicien, pour essayer de communiquer avec les nouveaux arrivants. Mais bien sûr, ce n'est pas simple, sans compter que les humains ont parfois déjà du mal à s'entendre entre eux...

Scénario : Eric Heisserer (d'après l'oeuvre de Ted Chiang)
Musique : Johann Johannsson
Photographie : Bradford Young

mercredi 7 décembre 2016

Match Point

2005 - Woody Allen





Le début annonce l’intéressante ascension sociale d’un personnage foncièrement pragmatique, qui utilise chaque nouvelle rencontre comme un barreau à son échelle d’ambitions. Manipulateur professionnel, on attend avec enthousiasme chacun de ses mouvements... mais c’est sans compter le coup de foudre. Et si lui se prend un éclair, nous c’est plutôt la douche. On tombe subitement dans le déjà-vu pseudo romantique, les problèmes de couple, la tromperie, lui perd ses moyens en même temps que son charisme, et nous livre un final aussi ridicule qu’inutile. Peut mieux faire !

Résumé [spoil]

L’introduction est l’image d’une balle de tennis qui mord le filet : deux possibilités, nous dit le narrateur, l’une est la victoire, l’autre la défaite…

Chris Wilton, jeune prof de tennis d’origine modeste, est embauché dans un club de la haute société londonienne. Il y sympathise avec Tom Hewett, jeune homme de ce milieu, avec qui il prétend partager la passion de l’opéra. Très vite, Chris fréquente la famille Hewett et séduit Chloé, la sœur de Tom. Mais il rencontre aussi l’exquise Nola Rice, jeune comédienne (dans ses rêves) américaine fiancée à Tom. Il est immédiatement attiré et cherche également à la séduire. Ils se ressemblent beaucoup : issu de milieu modeste et essayant de se hisser, et sont mutuellement attirés. Elle cède une fois (elle, énervée par une remarque de la mère Hewett sur ses illusions de comédienne, sort sous la pluie. Il la rejoint et ils font l’amour dans un champ) puis le repousse, pour préserver son futur mariage.

Chris gagne rapidement les faveurs du père de Chloé, qui lui offre un poste à responsabilité dans son entreprise. Après quelques mois il épouse Chloé, tandis que Tom quitte Nola pour se marier avec une femme de son rang dont il est amoureux. Nola retourne aux US, mais Chris finit par la revoir à Londres, et entame une aventure avec elle (au point de quitter le travail certains midis pour la retrouver), ce qui l’oblige à mentir de plus en plus à sa femme. Et un jour Nola lui apprend qu’elle est enceinte… Dilemme pour Chris, qui doute de son amour pour Chloé mais n’ose pas lui avouer qu’il doit la quitter, d’autant plus qu’elle souhaite un enfant qu’ils ne parviennent pas à avoir.

Nola le menace alors de tout révéler à sa femme si lui ne s’en occupe pas. Chris procrastine, désespéré. Ne voyant pas d’autre solution, il vole un fusil de chasse chez les Hewitt, donne rendez-vous à Nola chez elle, entre chez sa vieille voisine, la tue. Il vole alors bijoux et médicaments, pour simuler un cambriolage par un drogué. Quand Nola arrive, il l’abat sur le palier. Il va ensuite jeter les bijoux dans la Tamise, mais une bague rebondit sur une barrière et retombe au sol. Il ramène ensuite le fusil, manquant plusieurs fois d’être découvert par Chloé. Rapidement, il est rongé par la culpabilité (hallucinations).

Pendant ce temps, la police mène son enquête et en vient à interroger Chris. Celui-ci nie avoir revu Nola depuis son départ d'Angleterre, mais celle-ci tenait secrètement un journal intime, retrouvé par la police, où le jeune homme est souvent mentionné. Il avoue alors aux deux inspecteurs qu'il avait bien une liaison avec elle, mais nie être impliqué dans le meurtre et les prie de ne pas en parler à sa femme. L’un des policiers est convaincu, l’autre moins. Et une nuit ce dernier a une révélation : il sait que Chris est l'assassin et comment il s'y est pris. Mais le lendemain, la bague de la voisine est retrouvée sur le cadavre d'un drogué, près de chez Nola. L’affaire est close.


La scène finale : Chris et Chloé entrent chez eux avec leur enfant, et Tom lui souhaite qu’il ait toujours de la chance.

Scénario : Woody Allen
Musique : (opéras)
Photographie : Remi Adefarasin

samedi 26 novembre 2016

Mr. Nobody

2010 - Jaco Van Dormael






Entropie. Si certains ne sont pas familiers avec le terme, il s’agit de la mesure du désordre / chaos vers lequel tend naturellement et à tout instant l’univers. C’est aussi la clé de voûte de ce film. Un enfant, face à un choix impossible, imagine toutes les possibilités découlant de cette décision, puis de toutes celles qui suivront... Jusqu’en 2092. Science-fiction, un peu, mais surtout amour, science, philosophie... C’est un film sur la vie, sur les vies. Un film sur les choix, et sur le chaos, le tout construit de manière... Chaotique. Les scènes se succèdent et s’imbriquent, mêlant bonheur, tristesse et folie. Tantôt subjuguantes, tantôt délirantes. Ce sont 2h30 de poésie sublimées par une bande originale magistrale. C’est la vulgarisation romantique de principes fondamentaux. C’est un jeu d’acteurs incroyable. C’est beau, tout simplement. 

Scénario : Jaco Van Dormael
Musique : Pierre Van Dormael
Photographie : Christophe Beaucarne

vendredi 25 novembre 2016

Her

2014 - Spike Jonze






Her nous emmène dans un futur proche, où seules les mentalités ont changé. Elles sont devenues la caricature des nôtres : l’absurdité poussée à l’extrême. Le film pose ce contexte avec finesse en quelques minutes, en se focalisant sur Theodore, un homme doté d’une grande sensibilité, bouleversé par son divorce en cours, et dont même le métier nous dérange. Puis celui-ci fait l’acquisition d’un système d’exploitation intelligent, et son existence va radicalement changé. Parce que Samantha (le nom que cette intelligence artificielle se choisi), conçue pour s’adapter à la personnalité de son propriétaire, va dés sa mise en service développer la sienne propre. S’en suit un ballet philosophique et romantique orbitant autour de cette question : quel statut accorder à cette conscience artificielle plus vivante même que la femme de Theodore ? Cet outil numérique qui l’amène à renouer avec la réalité ? Un film sensoriel, émouvant, porté par un jeu d’acteur d’exception... Et forcement un peu dérangeant.

Scénario : Spike Jonze
Musique : Arcade Fire, Owen Pallett (partition originale)
Photographie : Hoyte Van Hoytema

dimanche 13 novembre 2016

Hunger Games, La Révolte Partie 2

2015 - Francis Lawrence





Action et émotion ont ici semblé incompatibles, à mon grand regret. Je trouve dommage qu’il n’ait pas été donné à Jennifer Lawrence l’opportunité de faire montre de son talent, même au terme de cette saga. On se noie dans des dialogues sans aucune subtilité. Et quand la salle rit dans des passages aux intentions dramatiques, cela frôle le pathétique. Le fond maintenant : la trame scénaristique de la trilogie repose sur la continuité d’un cycle qu’il s’agit de rompre. La bataille du Capitole se devait donc de faire écho aux cérémonies des Hunger Games. Seulement arrivé à l’adaptation, cela s’est résumé à de très rares créations, comme si le sadisme et l’inspiration des concepteurs de pièges s’étaient essoufflés. Quelques bons points cependant : certains passages d’une extrême tension, et la richesse esthétique d’un Capitole semi-futuriste enfin exploitée. Un bon film d’action, mais dont le potentiel n’est malheureusement pas développé à la hauteur de nos espérances. 

Scénario : Danny Strong et Peter Craig (d'après l'oeuvre de Suzanne Collins)
Musique : James Newton Howard
Photographie : Jo Willems

Comme des frères

2012 - Hugo Gélin





Profondément vivant. Et merveilleusement humain. Des éclats de rire, et des larmes. Et pour les lier, pas un instant sans émotion. La réalisation est irréprochable, belle, fluide. Les acteurs bluffants d’humanité, leurs personnages, dans lesquelles on se reconnait successivement, subtiles. Un sans-faute. Ce film nous parle d’amitié et d’amour, de maladie et de tristesse, et il le fait bien. Avec une approche plus originale, il aurait été parfait.

Scénario : Hugo Gélin, Romain Protat, Hervé Mimran
Musique : Ambroise Willaume, Christophe Musset, Jérémie Arcache
Photographie : Nicolas Massart
Je suis intolérant. Envers l'intolérance.

Octobre 2016



Les gens Manifestent pour défendre leurs droits. Quels droits défendez-vous, Tous ? Le droit de ne pas ouvrir les yeux sur le monde ? Le droit de blesser ? De ne pas comprendre que l'amour n'est pas aussi simple que vous le pensez, qu'il ne se démontre pas, ne se justifie pas ? Le droit de dire aux gens qu'ils n'ont pas le droit d'être comme ils sont ?

Vous avez le droit de croire que l'amour et la sexualité sont binaires. C'est dommage, c'est triste, et c'est faux, mais vous avez le droit. En revanche quand vous agressez verbalement ou physiquement d'autres humain.e.s parce qu'iels ne conviennent pas au monde que vous imaginez, quand vous leur faites craindre d'oser s'affirmer, craindre de dire qui iels sont et ce qu'iels aiment, moi j'appelle ça du terrorisme.

Je vous laisse réfléchir, et je m'adresse maintenant à tou.te.s mes ami.e.s lesbiennes, gays, bisexuel.le.s et transexuel.le.s, et à tous les lgbt : tout d'abord j'espère que mes mots ne sont pas maladroits ni mes paroles déplacées. Ensuite : nous sommes tous les mêmes, et tous différents. C'est un droit et un bonheur, et il y aura toujours des gens pour défendre ça. Et toujours plus. Et ensemble nous soignerons le monde.

The company men

2011 - John Wells






Un film qu’il a été particulièrement pertinent de voir trois jours après l’élection de Donald Trump. On y comprend la situation financière terriblement bancale de bien des foyers américains, indépendamment des postes et des salaires. On y voit des vies ravagées en un instant, parce qu’un conseil d’administration technocratique a jugé qu’il était préférable de licencier des milliers d’employés loyaux et compétents pour éviter de voir son action chuter. On y voit des hommes transformés en machines à monter les barreaux de l’échelle sociale, en machines à dépenser plus qu’on ne gagne, et à croire que ce que l’on gagne défini ce que l’on est. On voit une usine autrefois prospère maintenant à l’abandon parce qu’elle a été délocalisée au nom du plus grand profit.

Le film maintenant. Il est lent et terrible, parce qu’il met en scène les moments lents et terribles de vies sinon frénétiques et inhumaines. Il est dramatique, sans artifices, et peut-être pas très pertinent dans son casting de choc. On n’en sort pas dévasté comme après un Big Short, mais il fait passer son message avec clarté et précision. 


Résumé [spoil]

Bobby Walker (Ben Affleck) est un cadre supérieur chez GTX, un conglomérat industriel basé à Boston et spécialisé dans les chantiers navals, qui se retrouve au chômage à la suite d’une compression de personnel. Sans son salaire démesuré, c’est la panique. Il suit le programme de réinsertion de son entreprise, mais perd petit à petit : son adhésion au club de golf, sa Porche, la confiance de sa femme, l’insouciance de son fils… Il finit par vendre sa maison et emménage chez ses parents. Alors qu’il refusait au départ des propositions d’emploi moins bien payées, il est finalement contraint de demander à son beau-frère Jack Dolan (Kevin Costner), qu’il traitait avec mépris, un travail sur son chantier de restauration. Il n’est pas très doué… Et finit par découvrir que le beau-frère l’embauche à perte.

Pendant ce temps le PDG de GTX continu son technocratique plan social tout en dépensant une fortune dans la construction d’un nouvel immeuble. Ces décisions sont critiquées par un vieil ami (collocs à l’université) et premier employé, Gene McClary (Tommy Lee Jones). Ceci énerve le PDG, qui se dit contraint par le business et les actionnaires.

Une deuxième vague de licenciement a alors lieu, incluant le cadre supérieur Phil Woodward (Chris Cooper), qui s’est hissé avec mérite dans l’entreprise pendant 30 ans. C’est aussi un ami de Gene McClary, et celui-ci va donc demander à la directrice des ressources humaines (qui est aussi sa maitresse) d’annuler cette action. Elle lui annonce alors que lui aussi sort…

Woodward s’effondre : les collègues l’abandonnent, on lui dit qu’il est trop vieux pour une nouvelle carrière et des postes que des jeunes remplissent mieux. A la demande de sa femme, il continu de faire croire qu’il part au travail le matin, et va au bar. Ses factures s’accumulent, y compris les frais de scolarité de sa fille. Il finit par se suicider avec les gaz d’échappement de sa voiture, dans son garage.


McClary est en colère, malgré la hausse de la valeur de ses actions GTX. Il se sent coupable, et veut remettre des gens au travail. Il ouvre un cabinet de consultation, et emploie de nombreux anciens employés de GTX, dont Walker. Symboliquement les bureaux sont installés dans un ancien chantier naval.

Scénario : John Wells
Musique : Aaron Zigman
Photographie : Roger Deakins

Gone Girl

2014 - David Fincher





Tellement de tension dans ce film ! Au début, on veut comprendre. À la fin, on aurait préféré ne jamais savoir. La réalisation est époustouflante : la temporalité est agencée de sorte à faire monter la pression crescendo, la révélation centrale, qui arrive juste au bon moment, n’est que le début d’une spirale infernale. Le casting est convaincant, mais c’est l’ambiance qui fait le film. Un film aussi dérangé que dérangeant, aussi incongru que captivant. Fascinant, même. C’est un thriller, certe, mais aussi un film sur les médias, sur la manipulation, et les parcelles obscures de l’humanité. Et, d’une certaine façon, c’est aussi un film sur l’amour. Sur la famille, sur les attentes au sein d’un couple. Il est moderne, presque théâtral, et se revoit avec plaisir. 


Synopsis

Nick Dunne est marié à Amy depuis 5 ans aujourd’hui. Mais en rentrant, il découvre son salon retourné… et pas sa femme. L’enquête débute, mais de part la célébrité du père d’Amy, les médias ne tardent pas à s’emballer. Et rapidement, l’image du couple modèle s’effrite, des doutes émergent de toutes parts. Des mensonges, un jeu de piste, un comportement étrange, il n’en faut pas plus pour que tout le monde se demande : et si c’était lui le coupable ?

Résumé [spoil]

En revenant du bar The Bar qu’il tient avec sa sœur Margo, Nick Dunne (Ben Affleck) découvre son salon retourné… et pas sa femme Amy (Rosamund Pike). C’était aujourd’hui leur cinquième anniversaire de mariage. L’enquête, débute, menée par l’inspectrice Rhonda Boney. Mais les parents d’Amy s’en mêlent. Or Marybeth et Rand Elliott sont célèbres (pour l’écriture de la saga dessinée L’Epatante Amy, dans laquelle ils réinventent une Amy sans ses erreurs et défauts), ils organisent une conférence de presse, une battue, créent un site internet, dans le but de retrouver leur fille. Mais cette couverture médiatique révèle un Nick en apparence peu affecté. Une animatrice télé à scandale, Ellen Abbott, a tôt fait de le désigner comme coupable (et pas de chance, dans le Missouri, il y a la peine de mort).

L’enquête coïncide un temps avec un jeu de piste qu’Amy avait l’habitude d’organiser pour leurs anniversaires. Les indices mènent d’abord à la faculté où Nick donne des cours d’écriture créative (on y trouve un soutien-gorge), puis à l’ancienne maison de son père. Les révélations rendent Nick toujours plus suspect. Il a une maitresse, une voisine révèle qu’Amy était enceinte…

Flashback ! (il y en a plusieurs, introduits par la voix narrative d’Amy, en fait des passages de son journal intime). Le couple était heureux à New-York, mais à cause de la crise Nick décide de retourner dans son Missouri natal et Amy le suit. Et là il devient indolent, peu attentionné, et même une fois violent. Elle raconte avoir voulu acheter un révolver.

Nick enquête de son côté (avec le support de sa sœur). Ils rencontrent deux ex de sa femme, des vies qu’elle a brisé : le premier raconte une Amy machiavélique, qui a fabriqué des preuves pour qu’il soit accusé de viol. Le second, Desi Collings, riche intellectuel, amoureux à vie de Amy, qui aurait mal vécu la rupture, refuse de lui parler.

Plot twist ! Amy est vivante, son journal n’est que mensonges, elle a minutieusement simulé son assassinat (jusqu’à répandre beaucoup de son propre sang !). Elle se cache dans un camping, suit un planning (avec régulièrement des échelons : suicide ?), mais se fait voler tout son argent par deux junkies. Elle reprend alors contact avec Desi, qui l’abrite dans son extravagante résidence secondaire (avec plein de caméra dehors !), trop content de l’avoir enfin tout pour lui.

Retour à Nick : les preuves sont devenues accablantes, le dernier indice menait à l’abri de jardin de sa sœur, dans lequel est caché un tas de matériel bien cher. Il entend parler à la télé d’un super avocat, Tanner Bolt, qui accepte de le défendre. Celui-ci sait que la maitresse, Andie, va finir par dévoiler cette liaison, il est donc décidé de la devancer et tout avouer sur le plateau de l’animatrice Sharon Schieber. Mais Andie parle deux minutes avant… Et contre l’avis de Tanner Bolt, Nick décide de s’exprimer quand même. Il affirme ne pas avoir tué sa femme, admet ses fautes en tant que mari et aspire à un nouveau départ. Il gagne ainsi l’opinion publique, mais Amy, voyant cela, change de plan : elle va reprendre sa vie auprès de lui, maintenant qu’il a admis sa faute.

Elle fait croire qu’elle est séquestrée et torturée (apparait en sang sur une caméra par la fenêtre), et égorge Desi à coup de cutter alors qu’ils font l’amour. Puis elle revient à la maison, couverte de sang, et plaide la légitime défense. Ni Nick, ni Margo, Tanner ou même l’inspectrice Boney ne sont dupes, mais l’opinion publique joue contre eux. Il est obligé de vivre avec elle, dans la peur.


Et elle avoue ce qu’elle a fait, motivée par l’envie de retrouver son mari aimant. Et elle attend un enfant de lui (grâce à du sperme congelé, d’un temps où ils envisageaient la procréation assistée). Il est piégé. L’avocat repart, la sœur est malheureuse, la flic est dégoutée, et lui est obligé de jouer le jeu.

Scénario : Gillian Flynn
Musique : Trent Reznor et Atticus Ross
Photographie : Jeff Cronenweth

Spotlight

2016 - Tom McCarthy




Vous pourriez me dire que de parler du dernier Oscar du meilleur film, ce n’est pas aller chercher trop loin. Vrai, mais soyons clair, parmi les dizaines de films que je regarde, j’ai jugé que celui-là méritait sa petite page, parce qu’on ne peut pas ne pas en parler. Et c’est sûrement aussi pour cela qu’il a eu l’Oscar. CQFD.
Je vais expliquer rapidement de quoi il traite, mais ce qui me semble vraiment intéressant, c’est discuter de la raison de son succès à ce moment.

Spotlight, c’est une équipe de journalisme d'investigation pour le Boston Globe, qui se retrouve à enquêter sur un prêtre pédophile en 2001. Et avec l’arrivée d’un nouveau rédacteur en chef, extérieur à la ville ET juif, cette affaire devient de première importance. A force de discuter avec avocats et victimes (des discussions qui ne peuvent que vous marquer), ils mettent le doigt sur un système d’une ampleur effrayante : des dizaines de prêtres pédophiles rien qu’à Boston couverts par l’Eglise catholique. Et ce système va tout faire pour arrêter les reporters. Mais comme vous le savez, l’histoire a été révélée, incitant d’autres victimes dans plus de 200 villes du monde à témoigner.

Ce film est remarquable pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il fait son taf : on y croit, le jeu d’acteurs et la réalisation sont excellents, il mêle information, narration et émotion avec brio. L’émotion surtout, épars mais puissante. C’est le fait rapporté plus que la façon, sobre, de l’introduire, qui choque. Ce que j’ai trouvé, d’autre part, particulièrement intéressant, c’est cette vision pour moi nouvelle du journalisme. Plus une forme de manipulation, plus une industrie du chiffre et du choc, mais un contre-pouvoir libre et une volonté inébranlable de dévoiler la vérité. J’ai vu des humains et plus des machines à écrire. Des humains avec des sentiments. Et ces sentiments vont être chamboulés par leurs découvertes.

Mais voilà, autant l’année dernière l’Oscar du meilleur film était une récompense technique (Birdman et son monumental plan séquence), autant cette fois le film est d’une réalisation sobre. C’est sa pertinence qui est méritante. Mais pourquoi maintenant ?

Une petite chronologie, d’abord :

Alors que le pape Jean-Paul n’a jamais évoqué ce problème, Benoit XVI, intronisé en 2005, y réagit vivement, prônant une politique de transparence et une «tolérance zéro».

Dès février 2010, les révélations d’affaires en Irlande, en Belgique, en Allemagne et dans d'autres pays d'Europe font l'objet de quantité d’articles.

En 2013, le pape François révise le code pénal du Vatican pour aggraver les sanctions en cas d’abus sur mineurs. En 2014, il dénonce pour la première fois la « complicité » d’une partie de la hiérarchie catholique, et soulève des sujets tabous tels que le suicide des victimes.


Ce que je pense : le monde s’ouvre, et les esprits aussi. Dans les plus hautes sphères de l’Eglise, et malgré une résistance féroce, on comprend que l’information ne peut plus être contrôlée, que les gens veulent d’une honnêteté qui fait aujourd’hui défaut à nos institutions. Et cette ouverture pourrait être une force : parce qu’il faut mettre le doigt sur ses erreurs pour parvenir à les dépasser, et que liberté de parole implique liberté de pensée. Une part de l’Église, incarnée par le pape François, comprend que si la foi, individuelle, reste immuable, l’institution les réunissant doit s’adapter à son époque : une époque de familles recomposées, de couples homosexuels, mais aussi d’hégémonie scientifique. Une époque de doutes, de remise en question. Car certitudes aveugles et préceptes religieux ne font pas bon ménage. Mais certitudes aveugles et préceptes scientifiques non plus. Le doute est une force, une vraie et belle force. Lui seul permet d’avancer. Et Spotlight, plus que la critique acerbe d’un système d’un autre temps, est une invitation à observer, comprendre, et évoluer.

Scénario : Josh Singer
Musique : Howard Shore
Photographie : Masanobu Takayanagi
Le Prestige

2006 - Christopher Nolan




« Alors vous cherchez le secret, mais vous ne le trouvez pas, parce que, bien entendu, vous ne regardez pas attentivement. Vous n'avez pas vraiment envie de savoir… Vous avez envie d'être… dupé. »

Sorti en salle fin 2006, Le Prestige n’est pas le plus connu des chefs-d’œuvre du britannique Christopher Nolan. Et pourtant sa qualité dépasse largement ses deux nominations, aux Oscars de la meilleure photographie et des meilleurs décors, qu’il n’a d’ailleurs pas volés.

Inspiré du roman homonyme de Christopher (encore un) Priest publié en 1995, il relate l’escalade d’un duel entre deux illusionnistes au crépuscule du 19ème siècle, Alfred Borden et Robert Angier (CADABRA, petit détail amusant ET citation de choix). Respectivement incarnés par Christian Bale et Hugh Jackman, ils font preuve de toujours plus d’audace et d’une ruse perverse pour surprendre l’adversaire haï et jalousé, au moins autant que nous.

Christopher (Nolan !) collabore ici pour la deuxième fois avec son frère Jonathan, la première étant Memento six ans plus tôt (à voir également, dans un style plus mindfucking que ne peut le prétendre Inception). Concernant le casting, on retrouve le duo Bale et Michael Caine de ses Batman (ainsi qu’une partie de l’équipe technique). Mais si ces grandes figures font la puissance du film, il gagne en subtilité avec la touche féminine : une Scarlett Johansson rayonnante, à la fois joueur et pion, et Rebecca Hall, peu connue à l’époque, qui réalise ici une incroyable performance.

La promesse, le tour, le prestige : les trois étapes d’un tour de magie. Et des tours, vous n’en verrez pas qu’un. Des prestiges non plus. De toutes les raisons qui me font adorer ce film, une prédomine : l’intrigue. Sublimement alambiquée, subtilement intolérable, elle nous perd dans un pays de secrets mortels, de révélations fracassantes… et d’obsession. Et s’il fallait agrafer une thématique au Prestige, c’est bien cette obsession qui dévore nos sombres adversaires, et les conduit, géographiquement autant que moralement, beaucoup trop loin…

Ce film m’impressionne sous de nombreux aspects : dynamisme et apparente simplicité des prises, atmosphère victorienne (avec son incroyable curiosité scientifique), acteurs exceptionnellement investis (ils ont travaillés auprès de vrais magiciens, afin de s’immerger dans ce monde compétitif et secret), décors bluffant (soixante-huit créés au total, et une bobine Tesla grandeur nature !), costumes « victoriens déconstruit » pour coller parfaitement aux personnages…

D’autre part, à travers différents cadrages, Nolan rapproche narration et style. Une grande importance est accordée à la lumière, qui procure à l’expérience visuelle une modernité particulière. L’anecdote qui en jette, c’est que pour s’accorder aux progrès technologiques de l’époque, le début du film est éclairé à la lampe à huile et aux bougies, puis l’électricité est introduite de manière éclatante.

Moins grandiose que beau, moins profond que complexe. Installez-vous bien, et concentrez-vous. Les réponses sont là, justes sous vos yeux.

“Are you watching closely ?”

Scénario : Christopher et Jonathan Nolan (d'après l'oeuvre de Christopher Priest)

Musique : David Julyan
Photographie : Wally Pfister

The optimism of life

Septembre 2015




Il y a de cela un an circulait une vidéo d’opinion (très bien réalisée) que beaucoup ont sûrement aperçu (onze millions de vues sur Youtube) : The Lie We Live. Le genre de montage dramatique de toutes les tristes vérités dont chacun est conscient, mais qui, en bloc, et si possible avec une musique bien émotionnelle, font mal. Déprime assurée pendant au moins deux minutes. Ensuite on décide de changer radicalement sa vie. Puis on va manger du chocolat. Et on passe à la vidéo suivante. 

Mais bon la déprime je n’aime pas trop beaucoup ça : je préfère le chocolat. Je propose donc ce petit essai, qui a en plus l’avantage de ne pas faire grossir.



Il y a cent ans, une majorité ne connaissait rien hors de son pays. Il y en a mille, son village. Aujourd’hui voyager dans le monde entier est presque devenu une banalité. Les merveilles du monde entier sont mises à notre portée par la technologie. Il y a cent ans, une majorité se levait, travaillait à la mine, et se couchait. Il y en a mille, dans les champs. Aujourd’hui de nombreuses professions nous amènent à parcourir le monde, à développer notre créativité. Aujourd’hui nos vies sont planifiées par des multinationales. Avant elles l’étaient par des souverains. Aujourd’hui nos ressources sont contrôlées par des multinationales. Avant elles l’étaient par des souverains. On pense aujourd’hui travailler plutôt que de s’amuser ? Encore récemment les weekends, les congés, la retraite n’existaient pas. On travaillait jusqu’à en mourir, et on mourrait tôt. La vie n’est pas pire qu’avant, cessons de dramatiser. Cependant si le problème est ancien, il n’est pas résolu. Mais il n’a fait que se mondialiser, au même titre que nous.

La régulation de la propriété s’est intensifiée, mais les peines sont l’ombre de ce qu’elles étaient. L’éducation, si elle est imparfaite, a le mérite d’être accessible. Et les sources d’informations ne cessent de se diversifier. Trop peut-être, elles nécessitent d’être filtrée. L’élite qui a de tout temps contrôlée les foules se démocratise : un étudiant sans moyens mais avec une idée peut devenir le prochain décideur. La technologie a ses travers, mais elle permet aussi de réaliser des miracles : elle marque une étape d’évolution de la santé, de l’art, de la découverte dans un univers que l’on redoute de déjà trop connaitre. Les droits des femmes ou des noirs sont récents, n’est-ce pas justement la preuve que cette époque est celle qui pourrait connaitre les plus grands changements ?

Mais voici que surgit le problème crucial de notre époque : l’uniformisation. Toute différence est invariablement effacée : devant la loi, c’est sans conteste un progrès, mais pas pour la manière de se vêtir, de s’exprimer, d’afficher ses croyances. Le risque est de perdre sa sensibilité, sa volonté de partage et d’ouverture sur le monde. Parce que c’est en découvrant l’autre que l’on finit par le comprendre, et le respecter. Néanmoins l’agressivité est animale, et encore une fois notre statut civilisé n’a fait que lui donner de l’ampleur. Mais au cours du dernier siècle le désir de paix s’est lui aussi mondialisé. Loin d’être atteint, il a le mérite d’être discuté, travaillé. La mort a pris de la distance car des siècles d’efforts ont finalement permit d’établir une relative sécurité occidentale. Le temps pourrait offrir la même chance au reste du monde.

Be the change you want to see, that is the true message. But the true question is : what do we want to see ? What can be done to make life more enjoyable ?

Je ne pense pas être naïf en affirmant qu’un changement est possible, que le monde n’a pas à sombrer dans un capitalisme individualiste technocratisé. Ce qui est naïf, c’est de croire que les politiciens sont les joueurs. Ils ne sont que d’autres pièces sur le plateau, avec simplement un peu plus de responsabilités. Ce n’est pas vers eux que l’on doit se tourner. Cessons de nous battre pour de nouvelles lois, de nouvelles idéologies. Si nous devons nous tourner, c’est vers nous-même. Nous demander comment changer notre vie, pas espérer que ceux pour qui l’on pense voter la changent pour nous. Briser la ligne semble impossible tellement elle a d’emprise sur nos vies, mais après tout, qui jusqu’aux Lumières aurait cru à une rupture de la monarchie absolue ? Les bouleversements surviennent : l’esclavage, le colonialisme, la ségrégation, autant de combats impossibles auxquels des visionnaires ont crus. Nous avons notre propre combat, et il mérite d’être vécu.

La sensibilité

Octobre 2015



Je vis, verrez-vous ?

Quel est le propre de l’Homme ? Pour l’artiste, c’est la capacité à créer. Pour le croyant, c’est la foi. Pour l’érudit, c’est la culture. Pour le philosophe, c’est la réflexion. Pour le scientifique, c’est la possibilité de comprendre et maitriser. Et pour moi ? Et bien je ne vous poserais qu’une question : un animal peut-il s’émerveiller ? Le propre de l’Homme, c’est sa sensibilité. Au fond, artiste, croyant, érudit, philosophe et scientifique s’accordent là-dessus, je pense.

Pourtant cette sensibilité, nous la perdons lentement, trop engoncés que nous sommes dans notre confort, notre douce et rassurante passivité. Le génie peut aujourd’hui nous sembler hors de portée, et pourtant il est aussi que nous. Mais le génie est sensible. A quoi ? A un passant dans une rame de métro, à un reflet sur la vitre d’un immeuble. La sensibilité, c’est de rester disponible à toutes ces petites choses qui nous paraissent banales, monotones, déjà vu. Le problème est là : nous sommes blasés. Notre environnement nous semble contrôlé, sans risque, mais surtout, sans nouveauté. Alors qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour déceler beauté et originalité partout. Vivre chaque jour comme si c’était le premier.

Seulement un écran se dresse entre nous et notre sublimation : l’efficacité. Nous sommes incités à toujours plus apprendre, voir et écouter, nous ne pouvons plus perdre un instant. Quelle autre raison peut vous pousser à vous jeter sur votre portable sans arrêt, pour reprendre un énième jeu ou envoyer un message, simplement pour meubler tous ces temps « morts » ? Sauf qu’il ne s’agit pas de temps morts, mais de temps « libres ». Le génie, c’est celui qui n’hésite pas à saisir cette liberté. Plutôt simple, en somme. Alors qu’attendez-vous ?

Je vous propose un exercice simple : éteignez votre portable pour une journée, une seule. Pas de musique dans le tram, pas de sms pendant les pauses. Et pour une journée, pas plus, ne pensez pas à ce temps que vous perdez : pensez à celui que vous gagnez. Si cela vous a paru inutile, voir contre-productif, et que votre journée habituelle vous allait bien mieux, dites-vous juste que comme toute expérience, elle méritait d’être vécue. Mais qui sait, peut-être découvrirez-vous quelque chose…

A ce premier constat s’ajoute une multitude de sujets portant à réflexion : par exemple, pourquoi faire dans l’écologie ? La raison pour laquelle, à mon avis, nous le devons, c’est que depuis les débuts de l’humanité la nature a été sa source d’inspiration exclusive. Si elle disparait, nous n’aurons plus rien auquel être sensible, et donc plus de pistes d’innovation, autant scientifique qu’artistique.

En politique maintenant, ou plutôt dans les priorités d’ordre social : chaque individu, chaque parti et même chaque régime cherche ce qui lui assure la plus grande stabilité. Et nombreux sont ceux qui se leurrent en pensant pouvoir parvenir à cela sans consensus. A l’échelle d’une vie, cela se vérifie parfois, mais je m’interroge ici sur le devenir de l’humanité, et selon moi, il est encore ici question de sensibilité. On peut invoquer la liberté limitée par celle des autres, celle d’expression, d’actes et de pensées (oui, même cela est partiellement violé par une société trop normée). Mais ce qui réside au cœur de tout cela, c’est le respect d’autrui, ce que certains nomment solennellement la fraternité. Si tout un chacun devient capable de s’exprimer, d’agir et de penser dans le respect des autres, alors on peut avoir consensus (et non pas unanimité, il doit et devra toujours y avoir débat et divergence d’opinion pour ne pas tuer la conscience humaine), et alors on peut rêver de liberté, d’égalité et, pourquoi pas, de profit. 

Bien sûr le respect peut paraitre un songe d’utopiste, et il l’est en effet si on ne discerne pas son origine. Vous avez deviné ? La sensibilité. Je ne demande pas d’altruisme inconditionnel, d’empathie pathologique, mais simplement d’ouvrir ses yeux un peu plus grand, et s’autoriser ainsi deux principes de vie fondamentaux : comprendre, et comprendre ; appréhender, et accepter.


Un long chemin à parcourir

Novembre 2016




Cette élection en fait, du bruit. Les réactions sont aussi diverses que violentes. Mais la vraie question, vraiment, c’est : a-t-on bien compris ce qu’il s’est passé ?

A première vue, c’est simple : la domination de l’homme blanc cis hétéro est de retour. Face à cela, les minorités ont des raisons de s’alarmer. C’est la victoire du racisme et du sexisme. Mais est-ce vraiment aussi simple ? Que font ces femmes, ces hispanos, ces lgbt, à soutenir ainsi leur détracteur ?

Le vrai problème, ce sont les étiquettes. On colle l’étiquette raciste sur quelqu’un, et c’est bon, il a tort, il ne doit pas être écouté. Sous l’étiquette, on peut tout cacher : le désespoir du chômage, le sentiment d’être oublié, de ne pas exister. Le fait que si vous n’avez jamais rencontré d’étranger, de lgbt, de féministe, c’est bien plus difficile de les comprendre. Tout cela est très lointain, abstrait, comparé à la promesse d’un emploi, l’espoir qu’enfin ceux qui gouvernent vous ont vu, connaissent vos problèmes, cherchent des solutions.

On colle l’étiquette sexiste sur la moitié de la population d’un pays, pour oublier qu’eux aussi sont humains, ont une vie, des peurs, des attentes. Que cette vie, ces peurs et ces attentes ne sont pas les mêmes que les nôtres. En leur collant cette étiquette, nous prouvons que nous ne les comprenons pas, que nous le voulons même pas. Alors pourquoi eux le devraient-ils ?

Nous pensons au fond de nous que nous avons raison. Parce que nous sommes éduqués, ouverts sur le monde, parce que nous pensons lutter pour le bonheur des gens. Pourtant ces gens, eux, demeurent malheureux. Défendre les droits des minorités, c’est essentiel. Mais si cela implique de laisser la moitié d’un pays à la traine, il y a un problème. Oui, ils sont souvent intolérants, violents, méchants. Mais pourquoi ? Parce que personne n’a pris la peine de leur apprendre à être autrement.

Depuis quelques décennies, des communautés opprimées ont enfin pu faire entendre leur voix. Enfin pu faire valoir leurs droits. Pour beaucoup, il reste encore un long chemin à parcourir. Et ce chemin doit être parcouru, coûte que coûte. Aujourd’hui, une autre communauté déprimée a fait entendre la sienne. Vous l’avez entendue, mais l’avez-vous écoutée ? Défendre l’égalité des genres n’empêche pas de défendre l’égalité raciale ou sexuelle.  Elles sont mêmes souvent défendues par les mêmes personnes.


Ouvrez les yeux et voyez que l’égalité sociale doit elle aussi être défendue. Et qu’il n’y pas de contradiction avec vos présents engagements. Discutez, échangez, éduquez, et tout le monde en profitera. 

samedi 12 novembre 2016

Addict anonyme

Mars 2016




Quelques habitués sont déjà arrivés, ils aident à installer les chaises en bavassant calmement. Les tracts sont encore minutieusement rangés sur une table à l’entrée, juste en bas de l’escalier. D’ici une dizaine de minutes, lorsque la salle sera prête, on les disposera sur les sièges de tout le monde. Quelques belles phrases, quelques conseils ; les participants ne viennent pas pour les tracts. Ils viennent pour partager. Pour diluer leur malheur dans un volume de marginaux : les accros. Certains ne viennent qu’écouter : c’est pour chercher la lumière qu’il descendent ces marches, pour un aperçu de ce qu’est l’espoir, la récompense de l’effort. Une vie peut-être un jour exempt d’addiction. Certains sont venus à la demande d’un conjoint, un parent, un médecin. Certains sont venus parce qu’ils n’ont nulle part ailleurs où aller. Leurs familles, leurs amis, ont essayé de les aider, leur ouvrir les yeux. En vain. Alors ils ont essayé de les accepter, malgré leur faiblesse. Leur penchant. En vain. S’en procurer, depuis quelques années, est une véritable épreuve. Les fournisseurs n’inspirent pas confiance. On espère que ce n’est pas trop coupé, qu’on ne s’empoisonne pas à petit feu. En vain. Alors on tente de résister, et on vient ici.

-Bonjour, je m’appelle William... Aujourd’hui, cela fait deux semaines que je n’en ai pas pris. A chaque instant, chaque seconde qu’égrène ma montre, je sens le désir, inhumain, monstrueux, s’agiter à travers mon corps en manque. Mais je tiens, pour mon petit garçon Jeremy, et pour ma fille à venir. Ce sera le mois prochain. Je veux qu’ils puissent grandir et ne jamais avoir à dire : mon papa, il n’arrive pas à s’en empêcher. Ce n’est pas sa faute, vous savez, mes grands-parents étaient comme ça aussi. On ne peut pas lutter contre sa nature... Et bien si ! C’est un combat, à chaque instant, chaque seconde qu’égrène ma montre, mais ce combat je vais l’emporter ! Pour eux ! Pour tout le monde ! Deux semaines, d’ici peu, paraîtrons infime.

-Bravo William, je pense que l’on peut t’applaudir, tu l’as mérité. Et merci pour tes mots, ils comptent beaucoup pour nous.

Et là Judith éclate en sanglots. Cela arrive, parfois. Le calme devient silence. Et respect. Si elle veut parler, nous l’écouterons. Sinon nous la réconforterons. Nous savons, comme nous savons que cela pourrait être nous, la prochaine fois.

-Je... J’étais à une une soirée. Ça faisait un an... J’ai bien dansé, j’ai beaucoup rit. La nuit avançait, et les gens ont commencé à boire, manger et fumer n’importe quoi. Et puis il y en avait sur la table. Je n’en voulais même pas ! J’avais oublié jusqu’au goût... Et puis il y avait cette fille, tellement belle, tellement gentille... Elle m’a demandé pourquoi je ne voulais pas. J’aurais voulu lui dire, lui décrire, le dégoût, l’angoisse, les proches qui n’en peuvent plus, l’impression de redevenir... Un animal, soumis... À une pulsion ! Comme une bête ! Mais je n’ai pas pu. J’étais bien avec elle, je voulais lui faire plaisir. J’en ai pris. Et depuis je n’arrive pas à me débarrasser du goût... Et rien que de penser d’où ça vient... Je me déteste. Je me dégoûte ! Maintenant c’est sûr, je ne pourrais plus jamais ! Je me suis sentie tellement mal...

Et tout ce temps, elle n’a pas cessé de pleurer. Tout le monde est bouleversé. Mais elle n’a pas fini.

-J’ai encore vue une émission, je me sens tellement coupable ! Comment font-ils pour continuer à en vendre ! Ces gens n’ont vraiment aucun coeur ? Aucun respect de la vie ? Pourquoi peut-on encore, aujourd’hui, tuer des animaux pour les manger !?


C’est la question qu’on voudrait tous leur poser, nous, les Omnivores Anonymes.
Lincoln

2012 - Steven Spielberg





Tout d’abord une mise au point, ce film a trois prétentions : cerner la personnalité d’un président devenue figure divine des Etats-Unis, ce à travers une infime fraction de sa vie ; détailler le processus politique autour du vote du 13ème amendement à la Constitution ; et donner un aperçu de la mentalité américaine à la conclusion de sa Guerre Civile. Si cela ne vous convient pas, passez votre chemin. Sinon, ouvrez-vous sans tarder à ce chef d’oeuvre signé Spielberg. Des décors extraordinaires. Des acteurs tous à la perfection de leur art, avec au centre Daniel Day-Lewis récompensé par l’Oscar. De la surprise, de l’émotion, et un humour sophistiqué ; des intrigues, des engueulades magistrales, et une grande diversité des scènes. Et surtout un lot de réflexions sur l’humanité, ses valeurs et son Histoire, qui ne vous laisserons pas indifférents. Le tout forme un récit profondément humain, autant qu’un éclairage de cet évènement fondateur de notre civilisation. 

Scénario : Tony Kushner (d'après l'oeuvre de Doris Kearns Goodwin)
Musique : John Williams
Photographie : Janusz Kaminski

Seul sur Mars

2015 - Ridley Scott





Il n’y a qu’une manière de commencer à décrire ce chef d’oeuvre : les émotions. En quantité, et de qualité. On se cramponne d’angoisse sur son siège, pour rire aux éclats l’instant d’après. On ressent peur et joie, inquiétude et espoir en profondeur, presque comme si on y était. La tendance cinématographique des dernières décennies est de ne plus jouer un rôle, mais d’imiter la réalité. Matt Damon réalise ici le prodige d’y parvenir dans un décors de drame spatial (martien, en grande partie, une particularité que Ridley Scott a su exploiter à merveille). C’est un pur plaisir que d’assister à la survie de son personnage, extrêmement créatif, et qui rebondit sur chaque échec avec humour et audace. Ce film est une ode à la science, autant qu’au genre humain. Un humain qui, s’il ne baisse pas les bras, est capable de miracles. Il peint également une NASA en équilibre entre le génie de la dévotion scientifique, ponctuée d’une solidarité formidable, et le danger de l’opinion publique. Mais surtout, il est d’un incroyable réalisme. En fait, un film sur Apollo 11 ne pourrait pas paraitre plus réel. Cette aventure grandiose et belle nous captive jusqu’à une fin parfaitement minutée. Chapeau.

Scénario : Drew Goddard (d'après l'oeuvre de Andy Weir)
Musique : Harry Gregson-Williams
Photographie : Dariusz Wolski

Sucker Punch

2011 - Zack Snyder





Des scènes d’actions frénétiques, des filles en mini-jupes, des effets spéciaux à l’excès : c’est la première image que donne Sucker Punch. Il ne faut pas s’y fier. Si le tout est bien présent (et cela plaira à certains), l’extreme qualité du film réside ailleurs. Parce que oui, il est impressionnant, et oui, il recèle bien des finesses et des surprises. On apprécie d’abord la multitude d’univers, de décors et de styles imbriqués, fondus les uns dans les autres. On sourit ensuite devant les scènes de combat abusives ; elles nous clouent pourtant dans notre siège. Et puis il faut surtout évoquer l’ambiance très sombre, presque malsaine, qui nous rappelle que si certains passages font penser à des rêves d’enfants (le dragon ?) ou d’adolescents (les filles ?), le thème central n’en demeure pas moins la folie. 
On se doit également de citer la bande originale, faites de grands classiques remixés, qui fait encore gagner en puissance ce cocktail explosif. Mais si ce film a vraiment retenu mon attention (et particulièrement avec les Extended Cuts, indispensables pour un troisième visionnage), c’est qu’il est hautement mindfucking ! A cinq minutes de la fin, vous pensez avoir tout compris. Lorsque le générique vous saute à la figure, vous réalisez avec effroi qu’il faudra le voir une seconde fois. 

Scénario : Zack Snyder (sur une idée de Steve Shibuya)
Musique : Tyler Bates
Photographie : Larry Fong