mardi 21 février 2017

The Neon Demon

2016 - Nicolas Winding Refn




Avant tout un film artistique, une ode à la beauté. Mais pas dans sa version harmonieuse, ici Nicolas Winding Refn cherche plutôt à imager le sublime, dans ses infinis contrastes : on oscille en permanence entres scènes pas saines et perles, entre morbide et merveille, toujours dans l’intensité. La fascination côtoie le malaise, l’horreur et le dégout sont au rendez-vous, on n’en tire rien de bon, rien d’encourageant, rien d’agréable. Et pourtant on ne peut en détacher les yeux un seul instant. Ce ne sont pas pas les acteurs, pas le scénario, c’est l’atmosphère. Et le rythme. Les plans, les musiques, les surprises. Ce n’est pas un film sur la mode, c’est un film sur l’immonde. Sur la saleté en chacun, et ce besoin mortel de la cacher sous une peau parfaite. C’est de l’art, mais des plus difficiles d’accès. Ce n’est certainement pas pour les enfants. Et c’est révolutionnaire. 

Scénario : Nicolas Winding Refn
Musique : Cliff Martinez
Photographie : Natacha Braier

10, Cloverfield Lane

2016 - Dan Trachtenberg




La réalisation est d’une rare excellence. La construction scénaristique tout bonnement phénoménale. Et les trois seuls personnages de ce huis-clos sont suffisamment complexes pour éveiller chez nous des sentiments contradictoire. Le film est intriguant, minutieux, intelligent, effrayant, frénétique, mais plus que tout, le fil narratif est brodé d’or. Assez long pour collectionner les retournements de situations, assez court pour ne pas s’en décrocher un seul instant, sa noirceur contrebalancée par quelques passages enjoués. Tout s’enchaine et s’imbrique à la perfection de la première à la dernière scène, si bien qu’on pourrait croire qu’être parfait était vraiment l’objectif.

Scénario : Josh Campbell
Musique : Bear McCreary
Photographie : Jeff Cutter

Bienvenue à Gattaca

1998 - Andrew Niccol




Ah le transhumanisme... Gros débat ! Est-ce que l’on devrait pousser les limites de la science et la technologie jusqu’à l’amélioration de l’humain dés la naissance ? Le design de son bébé ? Est-ce qu’on l’accepte en tant que parent, mais la question posée surtout, c’est que devient la société ? Pourquoi recruter un individu de naissance naturelle, quand on peut avoir plus intelligent, plus fort, à la santé assurée ? Et bien à Gataca, entreprise spatiale, on ne le fait simplement pas. Ou alors juste pour le ménage. Mais Vincent, joué par Ethan Hawke, a des rêves plus grands que sa naissance ne lui permet. Alors il a recours à un trafic d’identité, il « loue » celle d’un « valide » qui a perdu l’usage de ses jambes, incarné avec brio par Jude Law. Cela implique des sacrifices, et d’immenses risques. Et cela est superbement bien rendu. La question est plus que jamais d’actualité, la réponse loin d’être simple. Et le film prenant. Et percutant. Et très réfléchi. 

Scénario : Andrew Niccol
Musique : Michael Nyman
Photographie : Slawomir Idziak

12 hommes en colère

1957 - Sidney Lumet 




Impressionnant ! Un huis-clos, douze personnages, en temps réel, et quelle profondeur ! Quels dialogues ! Un jury doit décider de la culpabilité ou non d’un suspect. Onze sont pour, le dernier contre. Pas parce qu’il le pense innocent, parce qu’il refuse de condamner un homme sans en discuter. Parce qu’il a des doutes, et que lorsqu’il s’agit de juger, il n’accepte pas le risque d’une erreur. Il n’a pas la vérité, pas d’ultime réponse, mais il discute. Il argumente. Il instille le doute chez d’autres. Et c’est tout ce qu’il faut pour amorcer le débat. Et ce film n’est que ça, un débat d’une heure trente, entre douze hommes tous différents, chacun avec son histoire, ses convictions, sa volonté. Chacun joué avec justesse. Ce film est une formidable invitation à douter, une ode au débat. Je l’adore.

Scénario : Reginald Rose (d'après son oeuvre)
Musique : Kenyon Hopkins
Photographie : Boris Kaufman

Loving

2017 - Jeff Nichols




Mon troisième film de Jeff Nichols, et bien que celui-ci, historique, dénote du style surnaturel que je lui connaissais, je commence à y percevoir un motif. Chaque fois la focale est faite sur une famille, et le potentiel caché qu’elle recèle. Ici le désir simple de s’unir par le mariage, interdit par les mentalités et lois de leur État. Pas d’esprit révolutionnaire chez ce couple, juste le souhait de mener leur vie comme iels l’entendent. Encore une fois, le mot d’ordre de Nichols, c’est la simplicité. Dire le strict minimum et même moins, laisser le spectateur deviner les règles et les enjeux. Rien de superflu, et rien de précipité non plus. C’est lent, peut-être un peu trop, et un peu trop pauvre en émotions aussi, par souci de réalisme certes, mais de fait on se sent moins impliqué. Loving permet d’appréhender une époque qu’on ne connait sinon qu’à travers ses personnages illustres comme MLK ou JFK. Une thématique centrale, c’est la construction : construire une maison, une vie, un sens de la justice. Le jeu d’acteur est, bien que bon, aussi secondaire que les musiques. C’est la construction du film qui touche. La façon dont il fait sens sans direction préméditée. Ni très beau ni particulièrement mémorable, juste... important.

Scénario : Jeff Nichols
Musique : David Wingo
Photographie : Adam Stone

lundi 6 février 2017

La La Land

2017 - Damien Chazelle




Les comédies musicales, je n’en ai pas tellement l’habitude. Qu’importe, il suffit d’une minute et la première chanson pour être séduit, entre émerveillement et sourire niais. Et ce sourire ne nous quitte que pour de fréquents éclats de rire. Ce n’est pas un divertissement, c’est de la joie en images. On en sort avec une envie de danser, et toujours ce sourire aux lèvres. Et puis Emma Stone et Ryan Gosling sont bluffant, deux rêveurs qui ne se croisent pas en douceur, deux êtres passionnés, et passionnants. Deux êtres, deux rêves, et une vie. Des découvertes, des miracles, et des compromis. Et si l’humour s’efface parfois, l’émotion est toujours là. Toutes les couleurs sont présentes sur la palette, la réalisation irréprochable, et si la bande originale manque de diversité, elle y gagne en force vibrante. Le message, brouillé par un final sublime, résonne encore en moi. Du bonheur. 

Scénario : Damien Chazelle
Musique : Justin Hurwitz
Photographie : Linus Sandgren

Le Silence des Agneaux

1991 - Jonathan Demme




Je croyais qu’il s’agissait d’un film d’horreur ! En fait une enquête policière et psychologique, qui implique tout de même deux psychopathes, donc quelques scènes ne sont pas tout public. Et déjà on est loin du simple thriller, puisque l’un des deux est derrière les barreaux, et « aide » le FBI a trouvé le second. Deux choses, à mon sens, font de ce film un chef d’œuvre : le montage, et le casting. Le choix des scènes, ce qu’elles montrent, comment elles se succèdent, ce qu’elles apportent à la progression. Des dialogues d’une extrême qualité, ou une violence palpitante, beaucoup de tension, un peu dégout. Quant au jeu d’acteur, quelle paire ! Jodie Foster, qui débute au FBI, et Anthony Hopkins, pas moins que le tueur en série cannibale Hannibal Lecter, ont des rôles aussi divergents que transcendants. Les deux remportent dès les premiers instant notre fascination, et ne la déçoivent pas. Un début prenant, une fin frénétique, un film splendide.

Scénario : Ted Tally (et Thomas Harris, d'après son oeuvre) 
Musique : Howard Shore
Photographie : Tak Jujimoto