Le vote RN n’est pas raciste
22 juin 2024
Ce n’est pas une progression du racisme que l’on observe actuellement, les
études sur le sujet indiquent même le contraire. Le vote RN a des origines variées :
sentiment de déclassement, d’injustice, d’insécurité, baisse du pouvoir d’achat,
rejet de la politique libérale incarnée par Macron. Pourtant, ces causes
alimentent tout autant le vote de gauche. Il y a bien des ingrédients supplémentaires
qui expliquent le choix du RN : le conservatisme, et le nationaliste, dont
la xénophobie n’est qu’un cas particulier. Le conservatisme sociétal (famille
traditionnelle, rejet de l’IVG, essentialisme, etc) se déporte au RN depuis que
le camp macroniste a recomposé la droite en proposant un ultra-libéralisme économique
associé à un certain progressisme sociétal (PMA pour toutes, IVG dans la
Constitution, fin de vie). Le nationalisme quant à lui est l’addition de deux convictions :
l’identité nationale et la préférence nationale.
L’identité nationale est l’opinion selon laquelle les membres d’une Nation
partagent des attributs et une histoire communes. Cette idée remonte à la
création des premiers Etats-nations européens, après la Révolution française. Il
vise à rassembler les habitants du territoire du royaume autrement que comme
des sujets du roi. Pour faire émerger cette unité nationale a été écrit un
roman national : son histoire remonterait à Charlemagne et jusqu’aux Gaulois.
Rappelons à toutes fins utiles que Charlemagne est également considéré comme le
fondateur de l’Allemagne, et que la multitude de peuples gaulois – autrement appelés
celtes – s’étendait de l’Irlande à la Turquie. L’identité nationale repose
également sur des attributs communs : langue française, religion catholique,
promotion de l’égalité et des droits de l’Homme (et pour certains : couleur
de peau blanche). Enfin, cette identité nationale s’accompagne souvent d’une
fierté exacerbée à faire partie de la communauté nationale.
La préférence nationale est l’opinion selon laquelle un Etat doit réserver
la solidarité nationale aux habitants de sa nationalité. Cette idée place la nationalité
d’une personne devant d’autres attributs, tel que son lieu de résidence. Dans
un monde couvert d’Etats-nations, cela ne choque pas. Rappelons toutefois que
cette conception n’est pas plus ancienne que la machine à vapeur. A titre plus
personnel, imaginer que mon père anglais – après avoir vécu et travaillé vingt-cinq
ans en France sans la nationalité française, s’y être impliqué bénévolement, y avoir
payé ses impôts – soit privé de certains droits sociaux me heurte. Rappelons par
ailleurs que cela est contraire à la Constitution française actuellement en
vigueur.
Gardons-nous bien des généralités : avoir des convictions nationalistes
n’implique pas forcément de voter pour le RN. Et la xénophobie, voire le raciste,
s’ils se nourrissent du nationalisme, ne le caractérisent pas. En revanche soyons
clairs : si les électeurs du RN ne sont pas – tous – racistes,
islamophobes ou antisémites, on ne peut pas en dire autant des cadres de ce
parti, et donc de la politique qu’ils mettront en œuvre une fois au pouvoir. Si
vous pensez comme moi que ce scénario est à éviter absolument, je vous invite à
reconsidérer votre discours : renvoyer le RN à son histoire ne permet plus
d'en prouver la dangerosité ; le considérer comme un parti à part ne reflète
plus la réalité à l'ère des populismes ; et souligner ses incohérences
n'est malheureusement plus percutant (voir Hannah Arendt sur les contradictions
assumées des "mouvements", ou Macron réélu sans programme et son
gouvernement qui se déjuge constamment). Considérez également que le
libéralisme au pouvoir est plus "extrême" pour les victimes de
"plans de sauvegarde de l'emploi" que "l'extrême droite". Alors
insistons sur ce que l’idéologie du RN a elle-même d'extrême : la hiérarchie
des citoyens et des habitants, l'influence d'idéologues racistes, la proximité
avec Poutine, le recul des droits des femmes et des personnes LGBT.