samedi 24 mai 2025

 La fin du capitalisme

25 mai 2025

 


Si nous voulons la fin du capitalisme, nous devons être précis. Autrement, dans la guerre des imaginaires, le capitaliste gagnera toujours en nous renvoyant à un passé moins prospère, moins libre, plus dangereux. Par exemple :

Je ne veux pas la fin de la méritocratie. Je veux une méritocratie juste, dans laquelle une personne qui contribue positivement à la société en travaillant dur est plus récompensée qu’une personne qui travaille moins ou qui contribue négativement. Mais qui décide du positif et du négatif, si ce n’est le marché ? Pourquoi travailler dans le soin, ou dans le livre, si cela est mal rémunéré ? Par la loi de l’offre et la demande, cela devrait attirer moins de travailleurės, générant une pénurie, ce qui augmenterait les salaires pour en attirer plus ! Le capitaliste comprend mal une notion : les convictions. Tant de personnes travaillent à l’hôpital dans des conditions effroyables pour un salaire médiocre, car si elles ne le font pas, des gens meurent. On ne travaille pas dans l’édition littéraire pour bien gagner sa vie, mais pour la conviction que le monde est meilleur avec des livres. S’ils étaient plus chers, il y aurait moins de lecteurs ; moins de demande. Le marché a parlé ! Mais la société en serait-elle meilleure ? Pourquoi tant de mairies subventionnent des bibliothèques gratuites ? A l’inverse, pourquoi les hôpitaux ne sont-ils pas suffisamment subventionnés ?

Je ne veux pas tout nationaliser. Tout organe dirigeant est faillible, qu’il soit public ou privé. La nationalisation concentre le risque, la privatisation le dilue. La compétition garantie la recherche de l’efficacité. Mais la concurrence peut exister sans quête de profit. Les éco-organismes s’affrontent pour avoir plus d’adhérents que les autres ; les écocontributions leur permettent d’augmenter la masse salariale ; ils peuvent avoir des actionnaires qui veulent une part de décision, sans rémunération ; et ils n’ont pas le droit de générer du profit. L’Etat-Providence pourrait fonctionner de manière similaire : tous les hôpitaux, toutes les écoles seraient privées et financées par l’impôt en fonction du nombre de patients ou d’élèves qu’ils peuvent accueillir ; libres d’allouer leurs ressources en fonction des besoins exprimés localement par les travailleurės et les habitants ; mais avec l’interdiction de générer du profit.

Je veux la fin de la spéculation (acheter pour vendre), des dividendes et des prêts à intérêt, mais je veux que le porteur d’un projet puisse toujours récompenser ses investisseurs. L’exemple du crowdfunding est intéressant : je n’investis pas pour générer un profit avec la récompense, mais parce que j’ai un intérêt à la réussite du projet.

Je ne veux pas la fin de la capitalisation (accumuler des richesses), mais je veux que ce capital cesse de procurer un pouvoir proportionnel. L’exemple des sociétés coopératives est intéressant : chaque employé est également actionnaire, et la voix de chaque personne a le même poids dans les décisions, quel que soit le capital investit.

Je ne veux pas la fin de la croissance économique : elle devrait permettre d’améliorer les conditions de vie, de réduire le temps de travail individuel, d’explorer de nouveaux horizons. Mais je veux qu’elle soit juste : elle doit commencer par garantir un niveau de vie décent à tous ; et réduire son impact environnemental plutôt que l’augmenter.

On pourrait débattre ainsi de tous les pans de la société. Je ne le ferai ni ici, ni seul. Mon propos est ailleurs : si nous voulons la fin de quelque chose, assurons-nous d’abord d’en comprendre toutes les facettes, et de trouver mieux à proposer.

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