La fin du capitalisme
25 mai 2025
Si nous voulons la fin du
capitalisme, nous devons être précis. Autrement, dans la guerre des
imaginaires, le capitaliste gagnera toujours en nous renvoyant à un passé moins
prospère, moins libre, plus dangereux. Par exemple :
Je ne veux pas la fin de la méritocratie.
Je veux une méritocratie juste, dans laquelle une personne qui contribue
positivement à la société en travaillant dur est plus récompensée qu’une
personne qui travaille moins ou qui contribue négativement. Mais qui décide du
positif et du négatif, si ce n’est le marché ? Pourquoi travailler dans le
soin, ou dans le livre, si cela est mal rémunéré ? Par la loi de l’offre
et la demande, cela devrait attirer moins de travailleurės, générant une pénurie, ce
qui augmenterait les salaires pour en attirer plus ! Le capitaliste
comprend mal une notion : les convictions. Tant de personnes travaillent à
l’hôpital dans des conditions effroyables pour un salaire médiocre, car si
elles ne le font pas, des gens meurent. On ne travaille pas dans l’édition
littéraire pour bien gagner sa vie, mais pour la conviction que le monde est meilleur
avec des livres. S’ils étaient plus chers, il y aurait moins de lecteurs ;
moins de demande. Le marché a parlé ! Mais la société en serait-elle
meilleure ? Pourquoi tant de mairies subventionnent des bibliothèques
gratuites ? A l’inverse, pourquoi les hôpitaux ne sont-ils pas
suffisamment subventionnés ?
Je ne veux pas tout nationaliser.
Tout organe dirigeant est faillible, qu’il soit public ou privé. La
nationalisation concentre le risque, la privatisation le dilue. La compétition garantie
la recherche de l’efficacité. Mais la concurrence peut exister sans quête de
profit. Les éco-organismes s’affrontent pour avoir plus d’adhérents que les autres ;
les écocontributions leur permettent d’augmenter la masse salariale ; ils
peuvent avoir des actionnaires qui veulent une part de décision, sans
rémunération ; et ils n’ont pas le droit de générer du profit. L’Etat-Providence
pourrait fonctionner de manière similaire : tous les hôpitaux, toutes les
écoles seraient privées et financées par l’impôt en fonction du nombre de patients
ou d’élèves qu’ils peuvent accueillir ; libres d’allouer leurs ressources
en fonction des besoins exprimés localement par les travailleurės
et les habitants ; mais avec l’interdiction de générer du profit.
Je veux la fin de la spéculation (acheter
pour vendre), des dividendes et des prêts à intérêt, mais je veux que le
porteur d’un projet puisse toujours récompenser ses investisseurs. L’exemple du
crowdfunding est intéressant : je n’investis pas pour générer un profit
avec la récompense, mais parce que j’ai un intérêt à la réussite du projet.
Je ne veux pas la fin de la
capitalisation (accumuler des richesses), mais je veux que ce capital cesse de
procurer un pouvoir proportionnel. L’exemple des sociétés coopératives est
intéressant : chaque employé est également actionnaire, et la voix de
chaque personne a le même poids dans les décisions, quel que soit le capital
investit.
Je ne veux pas la fin de la
croissance économique : elle devrait permettre d’améliorer les conditions
de vie, de réduire le temps de travail individuel, d’explorer de nouveaux
horizons. Mais je veux qu’elle soit juste : elle doit commencer par
garantir un niveau de vie décent à tous ; et réduire son impact environnemental
plutôt que l’augmenter.
On pourrait débattre ainsi de tous
les pans de la société. Je ne le ferai ni ici, ni seul. Mon propos est ailleurs :
si nous voulons la fin de quelque chose, assurons-nous d’abord d’en comprendre toutes
les facettes, et de trouver mieux à proposer.
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