samedi 26 novembre 2016

Mr. Nobody

2010 - Jaco Van Dormael






Entropie. Si certains ne sont pas familiers avec le terme, il s’agit de la mesure du désordre / chaos vers lequel tend naturellement et à tout instant l’univers. C’est aussi la clé de voûte de ce film. Un enfant, face à un choix impossible, imagine toutes les possibilités découlant de cette décision, puis de toutes celles qui suivront... Jusqu’en 2092. Science-fiction, un peu, mais surtout amour, science, philosophie... C’est un film sur la vie, sur les vies. Un film sur les choix, et sur le chaos, le tout construit de manière... Chaotique. Les scènes se succèdent et s’imbriquent, mêlant bonheur, tristesse et folie. Tantôt subjuguantes, tantôt délirantes. Ce sont 2h30 de poésie sublimées par une bande originale magistrale. C’est la vulgarisation romantique de principes fondamentaux. C’est un jeu d’acteurs incroyable. C’est beau, tout simplement. 

Scénario : Jaco Van Dormael
Musique : Pierre Van Dormael
Photographie : Christophe Beaucarne

vendredi 25 novembre 2016

Her

2014 - Spike Jonze






Her nous emmène dans un futur proche, où seules les mentalités ont changé. Elles sont devenues la caricature des nôtres : l’absurdité poussée à l’extrême. Le film pose ce contexte avec finesse en quelques minutes, en se focalisant sur Theodore, un homme doté d’une grande sensibilité, bouleversé par son divorce en cours, et dont même le métier nous dérange. Puis celui-ci fait l’acquisition d’un système d’exploitation intelligent, et son existence va radicalement changé. Parce que Samantha (le nom que cette intelligence artificielle se choisi), conçue pour s’adapter à la personnalité de son propriétaire, va dés sa mise en service développer la sienne propre. S’en suit un ballet philosophique et romantique orbitant autour de cette question : quel statut accorder à cette conscience artificielle plus vivante même que la femme de Theodore ? Cet outil numérique qui l’amène à renouer avec la réalité ? Un film sensoriel, émouvant, porté par un jeu d’acteur d’exception... Et forcement un peu dérangeant.

Scénario : Spike Jonze
Musique : Arcade Fire, Owen Pallett (partition originale)
Photographie : Hoyte Van Hoytema

dimanche 13 novembre 2016

Hunger Games, La Révolte Partie 2

2015 - Francis Lawrence





Action et émotion ont ici semblé incompatibles, à mon grand regret. Je trouve dommage qu’il n’ait pas été donné à Jennifer Lawrence l’opportunité de faire montre de son talent, même au terme de cette saga. On se noie dans des dialogues sans aucune subtilité. Et quand la salle rit dans des passages aux intentions dramatiques, cela frôle le pathétique. Le fond maintenant : la trame scénaristique de la trilogie repose sur la continuité d’un cycle qu’il s’agit de rompre. La bataille du Capitole se devait donc de faire écho aux cérémonies des Hunger Games. Seulement arrivé à l’adaptation, cela s’est résumé à de très rares créations, comme si le sadisme et l’inspiration des concepteurs de pièges s’étaient essoufflés. Quelques bons points cependant : certains passages d’une extrême tension, et la richesse esthétique d’un Capitole semi-futuriste enfin exploitée. Un bon film d’action, mais dont le potentiel n’est malheureusement pas développé à la hauteur de nos espérances. 

Scénario : Danny Strong et Peter Craig (d'après l'oeuvre de Suzanne Collins)
Musique : James Newton Howard
Photographie : Jo Willems

Comme des frères

2012 - Hugo Gélin





Profondément vivant. Et merveilleusement humain. Des éclats de rire, et des larmes. Et pour les lier, pas un instant sans émotion. La réalisation est irréprochable, belle, fluide. Les acteurs bluffants d’humanité, leurs personnages, dans lesquelles on se reconnait successivement, subtiles. Un sans-faute. Ce film nous parle d’amitié et d’amour, de maladie et de tristesse, et il le fait bien. Avec une approche plus originale, il aurait été parfait.

Scénario : Hugo Gélin, Romain Protat, Hervé Mimran
Musique : Ambroise Willaume, Christophe Musset, Jérémie Arcache
Photographie : Nicolas Massart
Je suis intolérant. Envers l'intolérance.

Octobre 2016



Les gens Manifestent pour défendre leurs droits. Quels droits défendez-vous, Tous ? Le droit de ne pas ouvrir les yeux sur le monde ? Le droit de blesser ? De ne pas comprendre que l'amour n'est pas aussi simple que vous le pensez, qu'il ne se démontre pas, ne se justifie pas ? Le droit de dire aux gens qu'ils n'ont pas le droit d'être comme ils sont ?

Vous avez le droit de croire que l'amour et la sexualité sont binaires. C'est dommage, c'est triste, et c'est faux, mais vous avez le droit. En revanche quand vous agressez verbalement ou physiquement d'autres humain.e.s parce qu'iels ne conviennent pas au monde que vous imaginez, quand vous leur faites craindre d'oser s'affirmer, craindre de dire qui iels sont et ce qu'iels aiment, moi j'appelle ça du terrorisme.

Je vous laisse réfléchir, et je m'adresse maintenant à tou.te.s mes ami.e.s lesbiennes, gays, bisexuel.le.s et transexuel.le.s, et à tous les lgbt : tout d'abord j'espère que mes mots ne sont pas maladroits ni mes paroles déplacées. Ensuite : nous sommes tous les mêmes, et tous différents. C'est un droit et un bonheur, et il y aura toujours des gens pour défendre ça. Et toujours plus. Et ensemble nous soignerons le monde.

The company men

2011 - John Wells






Un film qu’il a été particulièrement pertinent de voir trois jours après l’élection de Donald Trump. On y comprend la situation financière terriblement bancale de bien des foyers américains, indépendamment des postes et des salaires. On y voit des vies ravagées en un instant, parce qu’un conseil d’administration technocratique a jugé qu’il était préférable de licencier des milliers d’employés loyaux et compétents pour éviter de voir son action chuter. On y voit des hommes transformés en machines à monter les barreaux de l’échelle sociale, en machines à dépenser plus qu’on ne gagne, et à croire que ce que l’on gagne défini ce que l’on est. On voit une usine autrefois prospère maintenant à l’abandon parce qu’elle a été délocalisée au nom du plus grand profit.

Le film maintenant. Il est lent et terrible, parce qu’il met en scène les moments lents et terribles de vies sinon frénétiques et inhumaines. Il est dramatique, sans artifices, et peut-être pas très pertinent dans son casting de choc. On n’en sort pas dévasté comme après un Big Short, mais il fait passer son message avec clarté et précision. 


Résumé [spoil]

Bobby Walker (Ben Affleck) est un cadre supérieur chez GTX, un conglomérat industriel basé à Boston et spécialisé dans les chantiers navals, qui se retrouve au chômage à la suite d’une compression de personnel. Sans son salaire démesuré, c’est la panique. Il suit le programme de réinsertion de son entreprise, mais perd petit à petit : son adhésion au club de golf, sa Porche, la confiance de sa femme, l’insouciance de son fils… Il finit par vendre sa maison et emménage chez ses parents. Alors qu’il refusait au départ des propositions d’emploi moins bien payées, il est finalement contraint de demander à son beau-frère Jack Dolan (Kevin Costner), qu’il traitait avec mépris, un travail sur son chantier de restauration. Il n’est pas très doué… Et finit par découvrir que le beau-frère l’embauche à perte.

Pendant ce temps le PDG de GTX continu son technocratique plan social tout en dépensant une fortune dans la construction d’un nouvel immeuble. Ces décisions sont critiquées par un vieil ami (collocs à l’université) et premier employé, Gene McClary (Tommy Lee Jones). Ceci énerve le PDG, qui se dit contraint par le business et les actionnaires.

Une deuxième vague de licenciement a alors lieu, incluant le cadre supérieur Phil Woodward (Chris Cooper), qui s’est hissé avec mérite dans l’entreprise pendant 30 ans. C’est aussi un ami de Gene McClary, et celui-ci va donc demander à la directrice des ressources humaines (qui est aussi sa maitresse) d’annuler cette action. Elle lui annonce alors que lui aussi sort…

Woodward s’effondre : les collègues l’abandonnent, on lui dit qu’il est trop vieux pour une nouvelle carrière et des postes que des jeunes remplissent mieux. A la demande de sa femme, il continu de faire croire qu’il part au travail le matin, et va au bar. Ses factures s’accumulent, y compris les frais de scolarité de sa fille. Il finit par se suicider avec les gaz d’échappement de sa voiture, dans son garage.


McClary est en colère, malgré la hausse de la valeur de ses actions GTX. Il se sent coupable, et veut remettre des gens au travail. Il ouvre un cabinet de consultation, et emploie de nombreux anciens employés de GTX, dont Walker. Symboliquement les bureaux sont installés dans un ancien chantier naval.

Scénario : John Wells
Musique : Aaron Zigman
Photographie : Roger Deakins

Gone Girl

2014 - David Fincher





Tellement de tension dans ce film ! Au début, on veut comprendre. À la fin, on aurait préféré ne jamais savoir. La réalisation est époustouflante : la temporalité est agencée de sorte à faire monter la pression crescendo, la révélation centrale, qui arrive juste au bon moment, n’est que le début d’une spirale infernale. Le casting est convaincant, mais c’est l’ambiance qui fait le film. Un film aussi dérangé que dérangeant, aussi incongru que captivant. Fascinant, même. C’est un thriller, certe, mais aussi un film sur les médias, sur la manipulation, et les parcelles obscures de l’humanité. Et, d’une certaine façon, c’est aussi un film sur l’amour. Sur la famille, sur les attentes au sein d’un couple. Il est moderne, presque théâtral, et se revoit avec plaisir. 


Synopsis

Nick Dunne est marié à Amy depuis 5 ans aujourd’hui. Mais en rentrant, il découvre son salon retourné… et pas sa femme. L’enquête débute, mais de part la célébrité du père d’Amy, les médias ne tardent pas à s’emballer. Et rapidement, l’image du couple modèle s’effrite, des doutes émergent de toutes parts. Des mensonges, un jeu de piste, un comportement étrange, il n’en faut pas plus pour que tout le monde se demande : et si c’était lui le coupable ?

Résumé [spoil]

En revenant du bar The Bar qu’il tient avec sa sœur Margo, Nick Dunne (Ben Affleck) découvre son salon retourné… et pas sa femme Amy (Rosamund Pike). C’était aujourd’hui leur cinquième anniversaire de mariage. L’enquête, débute, menée par l’inspectrice Rhonda Boney. Mais les parents d’Amy s’en mêlent. Or Marybeth et Rand Elliott sont célèbres (pour l’écriture de la saga dessinée L’Epatante Amy, dans laquelle ils réinventent une Amy sans ses erreurs et défauts), ils organisent une conférence de presse, une battue, créent un site internet, dans le but de retrouver leur fille. Mais cette couverture médiatique révèle un Nick en apparence peu affecté. Une animatrice télé à scandale, Ellen Abbott, a tôt fait de le désigner comme coupable (et pas de chance, dans le Missouri, il y a la peine de mort).

L’enquête coïncide un temps avec un jeu de piste qu’Amy avait l’habitude d’organiser pour leurs anniversaires. Les indices mènent d’abord à la faculté où Nick donne des cours d’écriture créative (on y trouve un soutien-gorge), puis à l’ancienne maison de son père. Les révélations rendent Nick toujours plus suspect. Il a une maitresse, une voisine révèle qu’Amy était enceinte…

Flashback ! (il y en a plusieurs, introduits par la voix narrative d’Amy, en fait des passages de son journal intime). Le couple était heureux à New-York, mais à cause de la crise Nick décide de retourner dans son Missouri natal et Amy le suit. Et là il devient indolent, peu attentionné, et même une fois violent. Elle raconte avoir voulu acheter un révolver.

Nick enquête de son côté (avec le support de sa sœur). Ils rencontrent deux ex de sa femme, des vies qu’elle a brisé : le premier raconte une Amy machiavélique, qui a fabriqué des preuves pour qu’il soit accusé de viol. Le second, Desi Collings, riche intellectuel, amoureux à vie de Amy, qui aurait mal vécu la rupture, refuse de lui parler.

Plot twist ! Amy est vivante, son journal n’est que mensonges, elle a minutieusement simulé son assassinat (jusqu’à répandre beaucoup de son propre sang !). Elle se cache dans un camping, suit un planning (avec régulièrement des échelons : suicide ?), mais se fait voler tout son argent par deux junkies. Elle reprend alors contact avec Desi, qui l’abrite dans son extravagante résidence secondaire (avec plein de caméra dehors !), trop content de l’avoir enfin tout pour lui.

Retour à Nick : les preuves sont devenues accablantes, le dernier indice menait à l’abri de jardin de sa sœur, dans lequel est caché un tas de matériel bien cher. Il entend parler à la télé d’un super avocat, Tanner Bolt, qui accepte de le défendre. Celui-ci sait que la maitresse, Andie, va finir par dévoiler cette liaison, il est donc décidé de la devancer et tout avouer sur le plateau de l’animatrice Sharon Schieber. Mais Andie parle deux minutes avant… Et contre l’avis de Tanner Bolt, Nick décide de s’exprimer quand même. Il affirme ne pas avoir tué sa femme, admet ses fautes en tant que mari et aspire à un nouveau départ. Il gagne ainsi l’opinion publique, mais Amy, voyant cela, change de plan : elle va reprendre sa vie auprès de lui, maintenant qu’il a admis sa faute.

Elle fait croire qu’elle est séquestrée et torturée (apparait en sang sur une caméra par la fenêtre), et égorge Desi à coup de cutter alors qu’ils font l’amour. Puis elle revient à la maison, couverte de sang, et plaide la légitime défense. Ni Nick, ni Margo, Tanner ou même l’inspectrice Boney ne sont dupes, mais l’opinion publique joue contre eux. Il est obligé de vivre avec elle, dans la peur.


Et elle avoue ce qu’elle a fait, motivée par l’envie de retrouver son mari aimant. Et elle attend un enfant de lui (grâce à du sperme congelé, d’un temps où ils envisageaient la procréation assistée). Il est piégé. L’avocat repart, la sœur est malheureuse, la flic est dégoutée, et lui est obligé de jouer le jeu.

Scénario : Gillian Flynn
Musique : Trent Reznor et Atticus Ross
Photographie : Jeff Cronenweth