jeudi 2 janvier 2020

Les Misérables

2019 - Ladj Ly




Les misérables, ce ne sont pas seulement les habitants de Montfermeil et de tous les quartiers défavorisés de France, ce sont tout autant les policiers et toutes ces personnes poussées à des actes tragiques par un système qui les dépasse. Le film de Ladj Ly n’en est pas moins un réquisitoire contre les violences policières et sa propension à se protéger elle-même avant les citoyens. L’histoire chavire au moment où un des « bacqueux » abat à bout portant un enfant de la cité d’un tir de LBD, pris de panique alors que son équipe est submergée par une foule de jeunes en colère. Découvrant que la scène a été filmée, les agents de la BAC traquent cette pièce à conviction plutôt que conduire la victime inconsciente à l’hôpital.

A travers le regard de Stéphane, policier tout juste arrivé de Cherbourg, pétri de morale et ignorant de la réalité des banlieues, on assimile peu à peu la complexité de la situation. Face à des actes d’une extrême violence entre « civils », il finit lui aussi par mettre le doigt sur la gâchette. Il n’est pourtant qu’une victime de la perte totale de confiance des habitants envers son service. Une mère s’insurge : bien sûr que les enfants courent en voyant la police, quand la police les traite de la sorte. Une autre menace d’appeler la… police, quand des agents tentent de forcer l’entrée chez elle. Lorsqu’un jeune est en difficulté, il ne se tourne évidemment pas vers ces représentants de la loi censés le protéger, mais plutôt vers un prêcheur musulman du quartier. Lorsqu’on l’écoute, personnage le plus sage du récit, on ferait de même.

Cette perte de confiance, elle s’explique avec le personnage de Chris, chef de l’équipe, pervers raciste, caractériel et abusant constamment de son pouvoir. Elle s’explique surtout par la lucidité de la commissaire à son égard. C’est nécessaire, selon elle, quand on sait ce qu’on a en face. On ne se leurre pas, c’est une guerre qui est menée, avec l’équipement et le recrutement proportionnés.

Ce film est important, profondément social, et malheureusement autant d’actualité que criant de vérité.

“Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs.”
Victor Hugo, Les Misérables

Scénario : Ladj Ly, Giordano Gederlini, Alexis Manenti
Musique : Pink Noise
Photographie : Julien Poupard

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