Violence légitime
11 avril 2023
Le 28 juillet 2020, le Ministre
de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré que « La police exerce une
violence, certes légitime, mais une violence, et c'est vieux comme Max Weber ! ».
Le 29 avril 2023, il a réitéré son propos en affirmant qu'il « n'y a pas
de violences policières » car cela met « en parallèle la violence de
ceux qui n'ont pas l'autorité légitime pour le faire, et ceux qui ont la
violence légitime de l'État pour utiliser la force ». En invoquant l’un
des fondateurs de la sociologie, il ferait mieux de commencer par le relire.
Voici ce que dit Max Weber :
l'Etat est une « entreprise politique à caractère institutionnel lorsque
et tant que sa direction administrative revendique avec succès, dans
l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime ».
Autrement dit, un pouvoir peut se revendiquer comme Etat à condition que les
individus sur qui il s’applique lui reconnaissent la légitimité du monopole de
la violence. C’est le cas dans tous les Etats véritablement
démocratiques : nous déléguons la résolution des conflits au pouvoir
judiciaire de l’Etat, qui ne peut l’exercer efficacement que parce que si un
individu refuse son verdict (alors qu’il repose sur des règlements établis par
le pouvoir législatif), celui-ci peut recourir au pouvoir exécutif (police et
armée) pour faire appliquer ledit verdict. Les autres formes de violence sont
proscrites.
La violence de l’Etat n’est donc
pas légitime par nature : elle ne l’est que tant que les individus
composants l’Etat la lui reconnaissent. On peut même considérer que si un
pouvoir ne parvient plus à revendiquer cette légitimité avec succès, il cesse
d’être un Etat. Il reste un pouvoir, mais de toute évidence autoritaire. Aujourd’hui
en France, de nombreuses victimes et témoins de cette violence exercée par
l’Etat dénoncent son illégitimité. En refusant de le reconnaitre, le
gouvernement met l’Etat en crise, car l’Etat n’est qu’un instrument au service
des individus qui le composent. Si ces individus considèrent que l’instrument
n’est plus adapté à leurs besoins, il est de leur droit de réclamer sa réforme
ou son remplacement.
Dans un Etat véritablement démocratique,
un mécanisme institutionnel permet de réclamer ce changement : par des
représentants comme les parlementaires, des groupes d’influence comme les
syndicats, des collections d’opinions comme les pétitions. Or le gouvernement
français actuel les ignore tous. Que reste-t-il donc aux individus pour réclamer
ce changement, à part leur propre violence légitime ?
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