dimanche 6 octobre 2019


De la convergence des luttes

6 octobre 2019



Sur le sujet de la convergence des luttes, l’occupation du 5 octobre est remarquable. Le centre commercial Italie 2 est pris d’assaut à l’ouverture par une horde de militantės, principalement écologistes sous la tutelle d’Extinction Rebellion. L’intrusion, dans le cadre initial de l’action, est non-violente : bloqueurės assiės dans les entrées le temps de faire entrer tout le monde, puis dégradations mineures pour bloquer les portes. Des médiatrices et médiateurs en chasubles orange rassurent les commerçantės, s’assurent que les participantės se sentent bien, et que le cadre de l’action est respecté. Entre autres organisations, des Gilets Jaunes font parti des équipes. De nombreusės camarades les rejoignent dans la journée. Une fois les entrées verrouillées et la frénésie de l’installation passée, des groupes s’organisent, discutent d’un premier ordre du jour commun, envoient unė ou deux représentantės à la première Assemblée Générale, pour décider de la suite de l’occupation.

La principale divergence entre les visions d’XR et des GJ s’annonce alors, sur la question de la violence. Pour XR, le cadre initial (pas de dégradations autres que celles nécessaires aux blocages, de propos haineux, d’alcool ou de drogue) est maintenu tant qu’une AG n’en décide pas autrement. Pour les GJ, ce cadre n’était valable que pour l’intrusion, et une AG pouvait au contraire décider de l’interdire ou non pour la suite. Sans décision claire, les deux réalités cohabitent, avec leur lot de tensions. Nombre d’écologistes quitte le lieu au cours de la journée, ne se reconnaissant pas dans les tags, surtout visant la police, les bières et les joints. Quant aux GJ, ils vivent l’intervention des Peace Keepers (tristement traduits par Gardiens de la Paix) à chaque appropriation de vitrine comme une répression policière, un service d’ordre défendant ses seules valeurs. La tension culmine lorsqu’un fachiste bien connu des GJ déclenche des envies de bagarres, tandis que d’autres s’emparent d’une lance à incendie pour accueillir les cordons de policierės qui s’organise autour du centre.

A force d’échanges entre gilets jaunes conciliantės et gilets orange diplomates, le calme revient, et nous sommes prêtės pour les tentatives d’entrée des forces de l’ordre. Après une vague de fumigènes aussi coutumière qu’illégale en intérieur, une brigade tente de franchir une barricade. L’assaut est repoussé avec force efficacité par le peuple des ronds-points, qui relance tous les obstacles à peines écartés. Une seconde tentative est avortée cette fois par une tortue, tapis de corps emmêlés cher aux écologistes non-violents. Les deux approches, complémentaires, ont fait leurs preuves. Dans le feu, l’alchimie a commencé.

Jamais occupés mais toujours aux aguets, seules les discussions nous distraient vraiment. Entre écologistes, nous parlons de notre rapport aux GJ, nos avis divers sur leurs méthodes, et les échanges que nous avons eus avec eulles. Avec nos idées croisées, nous finissons par admettre que soumis aux violences policières et médiatiques, on finit par ne plus vouloir, ou pouvoir, tendre l’autre joue. Nous, il faut le dire, sommes ou avons été en grande majorité des étudiantės blanchės du supérieur, jouissant des privilèges de l’indifférence et du détachement. Nous reconnaissons également que malgré sa pénibilité, cette confrontation de nos valeurs et méthodes à d’autres, radicalement différentes, est une chance et une opportunité.

La nuit avançant, la police s’est presque totalement désengagée, et l’Assemblée Générale de minuit s’ouvre sur cette question : partir ou rester. Maladroitement, le facilitateur de XR annonce en préambule qu’une majorité d’écologistes consultés souhaite s’en arrêter là, et qu’ainsi l’association se désengage, indépendamment des autres participantės. Qui en est le décideur ? La démocratie de la maison du peuple naissante semble court-circuitée. A raison, un GJ rétorque : la convergence se construisait, ne pas terminer l’histoire d’un commun accord serait un échec. La suite des débats est à mes yeux le moment le plus important de l’occupation. Les arguments opposés, s’ils sont clivants, ne dessinent pas pour autant des camps. Donner une bonne image aux médias est pour certainės une farce, pour d’autres la raison même de l’action et un moyen d’atteindre de futurės militantės. Les dégradations, un mal nécessaire ou des erreurs à effacer et nettoyer avant de rendre le lieu. Les quatorze heures d’occupation, une réussite ou seulement un commencement insignifiant. Partir de notre plein gré avant d’être délogés, une victoire élégante ou une défaite répugnante. Les propositions sont légion : partir discrètement en espérant leurrer la police, envahir la seconde moitié du centre au petit matin, se servir dans les boutiques au nom de la justice sociale.

La discussion piétine, les échanges deviennent nerveux, la fatigue se fait sentir, des colères émergent. Une proposition débloque le dissensus : proclamer l’autonomie de la commune d’Italiedeux, où chaque personne peut maintenant décider de partir ou rester sans rapport à son groupe d’origine. Une prise de température vient renforcer cette position : même au sein d’XR, l’envie de continuer est omniprésente. L’Assemblée se clôt sur un horaire pour la suivante et sans encore statuer de règles pour les dégradations. Des écologistes vont s’abriter dans le seul espace sans lumière pour tenter de trouver le sommeil pour une paire d’heures, sans succès. L’annonce finit par tomber : cela tourne mal, il n’y a plus de médiatrices/médiateurs, la police va attaquer violemment et des dégradations majeures sont commises. Rien de tout cela, semble-t-il, n’était vrai, mais XR a fini de céder l’espaces à d’autres. Sans plus trouver une seule tête familière, je m’esquive également. J’apprendrai plus tard que les occupantės ont finalement choisi de quitter le lieu sans faire de grabuge. La dernière Assemblée Générale a dû être bien différente de celle de minuit pour en arriver là.

Je ne saurais dire si la journée de cohabitation fut une réussite, mais quatorze heures ont suffi pour commencer à se comprendre, à remettre en question nos idées reçues, à accepter d’autres visions, parfois. C’était une première expérience de convergence, et elle fut riche. Nous avons les mêmes adversaires et les mêmes objectifs, aussi malgré nos désaccords, je suis convaincu qu’il va falloir la renouveler aussi souvent et aussi vite que possible. Il y a urgence, et beaucoup à gagner.

mardi 28 mai 2019

Une lecture idéologique des élections européennes en France

Mai 2019



Avant toutes choses, comprenez bien que ce petit exercice de style n'a absolument aucune légitimité scientifique. Ma méthodologie est terriblement grossière, et la subjectivité dans ma manipulation des chiffres ferait s'arracher les cheveux au plus novice des statisticiens. Je trouve simplement que cette vue mérite d'être évoquée, ne serait-ce que pour éveiller débats et questionnements. N'y voyez rien de plus qu'un joli dessin teinté de masturbation intelectuelle.

Venons-en aux faits. Les résultats des élections européennes de cette année m'ont semblés intéressants, parce qu'ils représentent une sorte de décantation des électeurs français. Exemple le plus remarquable, l'électorat de l'UMP/LR, historiquement un mélange de libéraux et de conservateurs, s'est vue contraint de choisir entre une République En Marche ultra-libérale, et des Républicains à la sauce Wauquiez ultra-conservateurs, révélant le clivage que masquait "la droite". 

Il m'est donc venu à l'idée d'interpréter un peu ce nouveau découpage en vis-à-vis d'autres scrutins, à savoir les européennes de 2014 et le premier tour des présidentielles de 2017, afin d'en tirer des tendances idéologiques. J'obtiens quelque chose comme ça : 



Explications, et premières failles. Tout d'abord, j'ai choisi ces cinq idéologies en toute subjectivité. Ensuite, j'y ai rattaché des mouvements politiques selon le même avis très personnel, que je détaille plus loin. Une autre faille réside dans l'écart énorme de taux de participation entre les scrutins utilisés, ce qui induit une représentativité toute relative et donc une comparaison nulle. Enfin j'ai jugé que le positionnement idéologique des votants n'a pas changé notablement en 5 ans, ce qui me semble crédible mais ne s'appuie sur aucune preuve. Vous voilà alertés. Pour y voir un peu plus clair, voilà le tableau correspondant au graphique :


Quelques précisions avant d'entrer dans le détail des catégories. Les chiffres sont des pourcentages de votes exprimés. J'ai sommé les résultats de listes en partant de la plus haute et jusqu'à atteindre un total d'environ 96% pour chaque scrutin, donc en négligeant les scores les plus faibles, de l'ordre de 1% ou moins. 

Je pense qu'il est également important d'expliquer les noms d'idéologies que j'ai choisi. Je parle d'anticapitalisme plutôt que de communisme, ce dernier étant également un régime politique, et si LFI, en particulier, me semble aujourd'hui clairement anticapitaliste, elle n'est pas communiste pour autant. Je parle ensuite de progressisme social, à la fois concernant les droits humains, professionnels, écologiques. Le libéralisme, économique mais pas seulement, s'oppose à l'interventionnisme d'Etat, dans sa volonté de limiter les contraintes exercées sur les entreprises et les individus. Le conservatisme s'oppose au progressisme car en faveur de valeurs traditionnelles, d'un ordre social indépendant de la volonté humaine. Enfin le nationalisme est l'exaltation d'une nation (culturelle, ethnique, religieuse, etc) par opposition aux autres. 


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Pour revenir aux chiffres, j'ai mis en 2014 dans Anticapitalisme le PCF (6,61) et Lutte Ouvrière (1,17), dans Progressisme le PS (13,98), EELV (8,95), Nouvelle Donne (2,9) et AEI (1,12), dans Libéralisme l'UDI (9,94) et Nous Citoyens (1,41) et dans Nationalisme le FN (24,86) et DLF (3,82).

En 2017 dans Progressisme le PS (6,36) et dans Nationalisme le FN (21,3) et DLF (4,7).

En 2019 dans Anticapitalisme LFI (6,31), le PCF (2,47), dans Progressisme EELV (13,47), le PS (6,19), Génération.s (3,27), le Parti Animaliste (2,17) et Urgence écologie (1,82) , dans Libéralisme LREM (22,41), l'UDI (2,5), dans Conservatisme LR (8,48), et dans Nationalisme le RN (23,31) et DLF (3,51).

Ensuite, certaines formations politiques (LFI, LREM, UMP/LR) ne rentrent pas à chaque fois dans une unique idéologie, et c'est d'ailleurs tout l'intérêt de l'exercice. Pour les partager, et c'est peut-être la plus grosse faille, j'ai vu que 50/50 donnait un écart-type correct sur la moyenne des 3 scrutins.

Ainsi en 2014 j'ai mis la moitié de l'UMP (20,81) dans Libéralisme et l'autre moitié dans Conservatisme. De même en 2017 j'ai partagé LFI (19,58) entre Anticapitalisme et Progressisme, EM (24,01) entre Progressisme et Libéralisme, LR (20,01) entre Libéralisme et Conservatisme.

Selon moi, les très jeunes partis de LFI et EM ont brouillés l'électorat progressiste en 2017, qui a ensuite eu 2 ans pour mieux les positionner idéologiquement. Quant à l'UMP/LR, comme je l'ai déjà évoqué, il a historiquement aggloméré une "droite" pour certains libérale et pour d'autres conservatrice, ce qui n'est plus le cas en 2019.

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SI malgré toutes ces failles, on tente néanmoins d'interpréter un peu ce graphique, en voici ma lecture : ce cercle est un spectre continu, les idéologies adjacentes se chevauchant partiellement. Un individu peut être à la fois libéral et progressiste, ou progressiste et tendre vers l'anticapitalisme. Une personne plus libérale que progressiste pourrait donc être en faveur de mesures sociales ou environnementales, tant qu'elles ne s'opposent pas au libéralisme, et inversemment. 

En revanche je n'imagine pas un individu combiner deux idéologies non adjacentes : progressiste et conservateur ou nationaliste, libéral et nationaliste ou anticapitaliste. On peut donc imaginer que chaque personne se situe à un point donné de ce cercle. J'ai également fait le choix de représenter un cercle complet, l'anticapitalisme apparaissant comme adjacent au nationalisme, et cela me parait assez réaliste.

Bref, j'espère que malgré tant d'approximations, cette vision un peu différente de l'électorat français vous aura inspiré, et je suis preneur de toutes remarques, critiques et sources d'amélioration.


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Post-scriptum.
Cet exercice a au moins le mérite d'illustrer qu'il était vain d'espérer une vague écologiste. Si les partis politiques vont et viennent, il faudrait un changement radical de société pour faire changer massivement une population d'idéologie. Faute de quoi il n'y aura toujours que la part actuellement définie comme progressiste pour faire valoir sa sensibilité environnementale.

Second post-scriptum.
Les agences de sondages ayant fait leur travail, j'ai quelques chiffres plus rigoureux à présenter : 



Cela vient appuyer certaines de mes suppositions : des électeurs de LREM et LFI en 2017 se sont révélés cette année progressistes, de LR libéraux. En revanche des Républicains et des Insoumis de 2017 apparaissent nationalistes, ce que je n'ai pas pris en compte. Si je trouve la motivation, j'essayerai de revoir mes chiffres en intégrant ces données. 

J'aimerais finir sur une note positive : selon ce sondage, 5% des électeurs du FN en 2017 ont voté pour EELV cette année ! Les conséquences du réchauffement climatique pourraient-elles réussir là où toutes les stratégies pour miner l'extrême droite ont échoué ?

Troisième post-scriptum (le 26/12/21).
Un travail beaucoup plus rigoureux a été fait par Cluster 17, et si je rapproche leurs clusters politiques de mes idéologies, j'obtiens le résultat suivant, à savoir nettement moins de progressistes et plus de nationalistes...


Pour information voici un récapitulatif des informations disponibles sur leur site :




dimanche 24 mars 2019

Molly's Game

2017 - Aaron Sorkin



La version cinématographique de l’entrepreneure et auteure Molly Bloom présente nombre de similarités avec le personnage, cette fois fictif, de Elizabeth Sloane, également incarné par Jessica Chastain. On retrouve une femme d’une extrême intelligence, intransigeante avec elle-même, animée par un objectif : gagner. Elle l’explique d’ailleurs assez vite, étant une narratrice plutôt bavarde. Le film est essentiellement composé de ses monologues ponctués de dialogues riches ou brefs, parfois assez techniques. Le sujet du poker, en particulier, est prépondérant, et s’il ne faut pas en être un expert pour comprendre les enjeux des parties, cela doit pourtant apporter un plaisir supplémentaire au visionnage. Il est également bon à savoir que la liste des personnes qui participèrent aux parties de poker organisées par Molly et les confidences qui s’y échangèrent furent suffisamment dérangeantes pour que le scénariste et réalisateur Aaron Sorkin décide de changer les noms de ses homologues.

Sans être dramatique, le ton n’en reste pas moins sérieux et ponctuellement assombri par deux spectres, celui d’un traumatisme passé, et celui présent des drogues pour affronter une vie ambitieuse autant que solitaire. Ces sujets sont également partagés avec Miss Sloane de John Madden, de même que le fil conducteur du procès. La prestation de Idris Elba comme avocat de Molly est d’ailleurs tout aussi remarquable que celle de Jessica Chastain. Enfin le personnage de cette dernière est présenté comme hautement altruiste derrière un masque de froide amabilité. Si ce masque rend tout d’abord l’attachement difficile, vous aurez du mal à ne pas rejoindre l’avis de Charlie Jaffey après une certaine tirade. Je ne saurais que vous conseiller cette œuvre, qui plus est d’un féminisme subtil.

Scénario : Aaron Sorkin, d'après les mémoires de Molly Bloom
Musique : Daniel Pemberton
Photographie : Charlotte Bruus Christensen

mercredi 10 octobre 2018

Peut-on construire un capitalisme socialiste ?

Juillet 2018



Le capitalisme, de part son étymologie même, a été la bête noire de générations de socialistes : l’accumulation de capital, par définition, ne pourrait que s’opposer à la redistribution des richesses. La mondialisation, l’hyper-financiarisation, la croissance infinie ont creusé les inégalités, ravagé l’environnement et le respect de l’être humain, alimentant de nombreux mouvements anticapitalistes. Il s’agit là de conséquences dramatiques d’un usage abusif du capitalisme, compris comme système économique et politique. Ce système doit évidemment être questionné, de même que l’idéologie libérale qui lui sert de terreau. Je suis cependant convaincu qu’il est possible d’en imaginer des usages au service de l’intérêt général. Je suis convaincu que les dérives de nos démocraties libérales ne sont pas les conséquences de ce système, mais seulement de ses usages. Je suis convaincu qu’en considérant le capitalisme comme un moyen et non une fin, il peut servir le bien commun. Et j’en ai la preuve.


Le capitalisme repose sur deux notions, la propriété privée et le libéralisme, et n’a qu’un seul objectif : le profit. On pourrait et devrait questionner ces deux notions et cet objectif, mais admettons-les ici et voyons ce qu’il nous reste à interroger : les droits que procurent ces notions, et l’usage que l’on veut faire de ce profit.


Le libéralisme me garantit la liberté d’entreprendre. Par cela je deviens propriétaire d’une entreprise, et je peux acquérir les moyens de produire de la richesse : des ressources matérielles, et des ressources humaines. Je conclus un contrat avec ces dernières : leur temps et leurs compétences contre une partie de mon profit. Les modalités de ce contrat, en revanche, ne relèvent plus du capitalisme. L’entreprise Next Jump offre des emplois à vie : son dirigeant considère qu’un.e employé.e en difficulté, au même titre qu’un enfant en difficulté, doit être aidé, non renvoyé. La loi Pacte présentée par le gouvernement français veut assurer que les personnes salariées d’une entreprise bénéficient de sa réussite. Ces règles, en bordure du système capitaliste, restent à construire, et il dépend de nous d’en faire une construction socialiste.


Que faire du profit, maintenant ? Le capitalisme est catégorique : il faut l’investir. D’accord, mais dans quoi ? L’innovation est une option : les dépenses annuelles de R&D des mille entreprises les plus innovantes au monde ont dépassé les 700 milliards d'euros en 2017. Malgré tous ses défauts, le système capitalisme est le seul capable de générer de tels montants, et ainsi de financer des projets d’une envergure auparavant inimaginable. L’innovation est une bonne chose, elle a surtout l’avantage de permettre la génération d’encore plus de profit. C’est moins le cas de nos considérations socialistes. On peut rêver d’un jour où le profit ne sera plus une finalité pour les entreprises, mais ce jour n’est pas arrivé. Deux solutions demeurent.


D’une part, les sommes astronomiques générées par le capitalisme sont en partie captées par les Etats, au delta de l’évasion fiscale qu’il faut absolument combattre. Ces États doivent être contraints par leurs citoyen.nes à des investissements socialistes. Élu par une telle volonté, Emmanuel Macron s’est engagé à investir 15 milliards d’euros pour la transition écologique, 15 pour la formation professionnelle, 5 pour la santé, 5 pour les transports et équipements collectifs locaux. D’autre part, il faut rendre ce socialisme profitable : par des lois, normes et réglementations contraignantes, mais surtout par notre demande, et c’est sur cela que j’aimerais conclure.


Citoyenne, citoyen, consommatrice, consommateur, c’est par vos actions quotidiennes que vous donnez forme au capitalisme. Ce n’est qu’un système, vous en définissez les usages.

mardi 2 octobre 2018

Mon village

Juillet 2016

NOS RANDONNEES.: Journée du 16 mai 2015 - 2e partie : la ...


Des lieux déjà, il y en a peu, des lieux de fêtes, ne rêvons pas ! Malgré son sable, mon village n’a de plages ni rivages que ceux de la Celle indolente. Le plus vivant y est la faune, le plus vivace la flore. Cela est vrai du moins trois cent soixante jours et un, dans l’an. Pour les quatre restant, journées de printemps, la ville se vêtit de ses plus beaux atours, et de tous les alentours surgissent les curieux et les habitués, tous attirés par les quatre réputés, les quatre festifs, les Quatre Jours de Bullion. Sur la place de la mairie, les forains, connaisseurs, colorent et assourdissent, nourrissent et arborent diverses attractions. Au terrain de cross, les bosses, c’est la compétition. Les vélos enchainent figures et bonds, on les réclame et les acclame. On découvre enfin que le village a sa jeunesse, qui se mêle même parfois aux grandes générations et trottinent espace des Framboisines, berceau de la célèbre brocante. C’est alors la fête des beaux parleurs, le moment de combler le vide de certains greniers. On y mange bien, on se promène, et on espère qu’avant un an, on aura droit, au gré des vents, à un spectacle salle Paragot, autrement dit, la salle... Des fêtes !

mardi 25 septembre 2018


Incendies

2010 - Denis Villeneuve



Ce film est remarquable à bien des égards : parce qu’il nous fait découvrir une autre facette des réalisations de Villeneuve ; qu’il est adapté d’une pièce à succès de Wajdi Mouawad que peu doivent connaître ; qu’en ne citant pas le pays d’origine des protagonistes (bien qu’on le devine), il acquière un caractère universel terrifiant ; qu’il équilibre une noirceur profonde avec des personnalités d’une détermination rayonnante. Avouons-le, il est affreux : le tissu d’horreurs guerrières n’était pas suffisant, il a fallu le tricoter en une trame tellement malsaine qu’elle en devient jouissive. Le duo de la sœur et du frère Marwan joue également beaucoup dans la qualité immersive de l’œuvre, en présentant deux réactions opposées et également crédibles, nous fournissant deux fenêtres pour appréhender la réalité du dehors. 
Le choix chronologique est en revanche assez déboussolant : peut-être n’étais-je pas assez attentif, je suis revenu sur plusieurs passages après une minute du passé de Nawal en pensant suivre Jeanne, ou l’inverse. Mais peut-être faut-il justement lâcher la boussole pour lever les yeux vers ces étoiles que tout le monde partage mais personne ne voit dans le même sens ? Incendies a en tout cas des choses à dire sur les religions. Sur l’importance de se souvenir d’où l’on vient, aussi, sur la nature humaine, et son esprit torturé…

« Un plus un, ça peux-tu faire un ? »


Scénario : Denis Villeneuve (d'après l'oeuvre de Wajdi Mouawad)
Musique : Grégoire Hetzel
Photographie : André Turpin

mardi 30 janvier 2018

Idées reçues sur le féminisme

Benjamin Sharpe

Les réponses apportées ici sont des opinions personnelles relatives à la conception que l’auteur a du féminisme, et ne prétend pas à apporter de vérité générale. Le féminisme, comme tout mouvement militant, est un agglomérat hétérogène d’opinions, de volontés et d’origines.


On ne peut plus faire d’humour FAUX

A une époque l’humour consistait à se colorier le visage en noir et gesticuler sur une place publique pour se moquer des personnes de couleur. Aujourd’hui le blackface est globalement considéré comme raciste. En revanche on peut citer nombre d’humoristes reconnus sans pour autant faire de blagues racistes ou sexistes. Cela demande simplement l’effort de se remettre en question et de recycler son répertoire. Après tout la comédie est un exercice créatif.

Le politiquement correct va nous transformer en clones PAS SI SIMPLE

Tout d’abord questionner l’origine de nos jugements est un bon exercice d’introspection qui conduit à la tolérance et au respect d’autrui. Ensuite le féminisme n’interdit ni n’oblige à rien. Il a en revanche conscience de l’impact que peuvent avoir les mots sur l’éducation et la construction de soi, et sait par exemple que l’objectivisation du corps des femmes dans les médias, l’école, la famille, les cercles d’amitié peut influencer la perception que les individus peuvent en avoir. Le féminisme prône donc la vigilance dans ces contextes. De plus en cherchant à libérer la parole des femmes par leur plein accès à des postes créatifs, dirigeants, inspirants, le féminisme va au contraire éveiller une nouvelle diversité de pensée.

Le féminisme veut la supériorité des femmes, pas l’égalité, on devrait parler d’humanisme FAUX

L’humanisme est une philosophie qui place l'être humain et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs. C’est peut-être de cette étymologie que vient la confusion sur le mot féminisme. Or le féminisme est défini comme un mouvement militant pour l'amélioration et l'extension du rôle et des droits des femmes dans la société. Il se focalise sur l’écart qui existe encore entre les droits des femmes et ceux des hommes. Il se trouve que cet écart est majoritairement négatif, lutter contre implique donc bien d’améliorer et d’étendre ces droits.

Les hommes aussi ont leurs problèmes PAS SI SIMPLE

Tout individu rencontre des difficultés dans sa vie, qu’il est normal de vouloir affronter. Le féminisme se focalise sur un lot de difficultés que rencontrent des femmes de par leur simple nature biologique. Il ne discrédite pas pour autant les autres, mais comprend qu’une lutte générale peut être menée contre les causes d’écarts de droits des femmes. Les hommes ont également des difficultés liées à leur sexe, et les féministes accueilleraient avec plaisir un masculinisme qui lutterait pour le droit à un congé paternel égal à celui maternel, le droit de se maquiller ou de porter une robe.

Toutes les femmes ne sont pas féministes, certaines sont même contre VRAI

Certaines femmes n’ont pas expérimenté de difficultés liées à leur sexe ou ne les ont pas analysées comme tel. D’autres considèrent que ces difficultés doivent s’affronter individuellement et ne devraient pas être généralisées. Le féminisme ne lutte pas pour ces femmes, il lutte pour celles qui ont expérimenté des difficultés liées à leur sexe et considèrent qu’il s’agit d’une lutte commune. Le travers du féminisme est que ses actions se répercutent sur toutes les femmes, de la même manière que la lutte contre la ségrégation se répercute sur toutes les personnes de couleur. Malheureusement pour obtenir de nouveaux droits généraux, il est nécessaire de mener une lutte générale contre les causes générales de ces écarts de droits.

Les féministes pensent que tous les hommes sont des violeurs FAUX

En revanche lors d’une étude du docteur en psychologie et en criminologie Massil Benbouriche sur un échantillon de 150 hommes âgés de 21 à 35 ans, tous équilibrés mentalement et déclarant n'avoir jamais commis d'agression sexuelle, 30% des interrogés se sont dits prêts à violer une femme s'ils étaient sûrs qu'il n'y aurait aucune poursuite judiciaire. La cause de cela est la culture du viol, que le féminisme combat. Si tous les hommes ne sont pas des violeurs, tous devraient se demander s’ils pourraient le devenir et pourquoi. Dire que c’est les autres et pas moi, c’est refuser de se remettre en question.

Le féminisme n’a plus lieu d’être aujourd’hui FAUX

Si des combats fondamentaux ont déjà été remportés dans certaines régions du monde : droit de vote, à l’indépendance financière, à l’avortement, on est loin d’avoir fini. Les Etats-Etats reviennent sur l’ivg, l’égalité salariale n’est encore atteinte nulle part, les carrières fulgurantes et postes dirigeants ou créatifs encore très masculins. Et la lutte majeure de cette génération est celle de l’image : en finir avec l’objectivisation des femmes dans les médias, berceau de la culture du viol encore trop ancrée, donner plus de responsabilités au travail et moins à la maison. Même les femmes sceptiques ou critiques envers le féminisme reconnaissent le fardeau de la charge mentale ou les difficultés professionnelles supplémentaires.

Le féminisme tue le romantisme et la sexualité spontanées FAUX

En fait non. Mais si vous confondez séduction et harcèlement, cela explique peut-être vos difficultés. Et si dans votre tête ça marche, alors vous êtes nocif et avez raison de vous inquiéter de l’évolution des mentalités. Malgré le bruit qu’elles font, les femmes séduites par le harcèlement sont assez rares, et celles qui connaissent la différence en ont marre.

Pour aller plus loin

Le Monde - Michelle Perrot : « L’absence de solidarité des femmes signataires de cette tribune me sidère »
Dans un entretien, l’historienne réagit à la tribune critique vis-à-vis de #metoo publiée dans « Le Monde » le 9 janvier.

Le Monde - Blandine Grosjean : « De la résignation au consentement, le problème de la « zone grise » entourant les rapports sexuels »
Dans un texte écrit à la première personne, la journaliste raconte comment beaucoup de femmes ont pris conscience de la « zone grise » qui existe entre le consentement et le viol.

Les perles du mansplaining

« Forcément en parlant à des femmes on voit les problèmes de femmes, tu as parlé à combien d’hommes de leurs problèmes ?
Moi une fois je raccompagnais une femme chez elle, et elle m’a demandé si je voulais monter, avec des intentions claires... Je ne m’y attendais pas du tout, et je ne voulais pas, cela m’a beaucoup dérangé. »

« Tout ce que tu décris ce sont des cas particuliers, il faut arrêter de dire que c’est un problème des hommes. »