mardi 28 mai 2019

Une lecture idéologique des élections européennes en France

Mai 2019



Avant toutes choses, comprenez bien que ce petit exercice de style n'a absolument aucune légitimité scientifique. Ma méthodologie est terriblement grossière, et la subjectivité dans ma manipulation des chiffres ferait s'arracher les cheveux au plus novice des statisticiens. Je trouve simplement que cette vue mérite d'être évoquée, ne serait-ce que pour éveiller débats et questionnements. N'y voyez rien de plus qu'un joli dessin teinté de masturbation intelectuelle.

Venons-en aux faits. Les résultats des élections européennes de cette année m'ont semblés intéressants, parce qu'ils représentent une sorte de décantation des électeurs français. Exemple le plus remarquable, l'électorat de l'UMP/LR, historiquement un mélange de libéraux et de conservateurs, s'est vue contraint de choisir entre une République En Marche ultra-libérale, et des Républicains à la sauce Wauquiez ultra-conservateurs, révélant le clivage que masquait "la droite". 

Il m'est donc venu à l'idée d'interpréter un peu ce nouveau découpage en vis-à-vis d'autres scrutins, à savoir les européennes de 2014 et le premier tour des présidentielles de 2017, afin d'en tirer des tendances idéologiques. J'obtiens quelque chose comme ça : 



Explications, et premières failles. Tout d'abord, j'ai choisi ces cinq idéologies en toute subjectivité. Ensuite, j'y ai rattaché des mouvements politiques selon le même avis très personnel, que je détaille plus loin. Une autre faille réside dans l'écart énorme de taux de participation entre les scrutins utilisés, ce qui induit une représentativité toute relative et donc une comparaison nulle. Enfin j'ai jugé que le positionnement idéologique des votants n'a pas changé notablement en 5 ans, ce qui me semble crédible mais ne s'appuie sur aucune preuve. Vous voilà alertés. Pour y voir un peu plus clair, voilà le tableau correspondant au graphique :


Quelques précisions avant d'entrer dans le détail des catégories. Les chiffres sont des pourcentages de votes exprimés. J'ai sommé les résultats de listes en partant de la plus haute et jusqu'à atteindre un total d'environ 96% pour chaque scrutin, donc en négligeant les scores les plus faibles, de l'ordre de 1% ou moins. 

Je pense qu'il est également important d'expliquer les noms d'idéologies que j'ai choisi. Je parle d'anticapitalisme plutôt que de communisme, ce dernier étant également un régime politique, et si LFI, en particulier, me semble aujourd'hui clairement anticapitaliste, elle n'est pas communiste pour autant. Je parle ensuite de progressisme social, à la fois concernant les droits humains, professionnels, écologiques. Le libéralisme, économique mais pas seulement, s'oppose à l'interventionnisme d'Etat, dans sa volonté de limiter les contraintes exercées sur les entreprises et les individus. Le conservatisme s'oppose au progressisme car en faveur de valeurs traditionnelles, d'un ordre social indépendant de la volonté humaine. Enfin le nationalisme est l'exaltation d'une nation (culturelle, ethnique, religieuse, etc) par opposition aux autres. 


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Pour revenir aux chiffres, j'ai mis en 2014 dans Anticapitalisme le PCF (6,61) et Lutte Ouvrière (1,17), dans Progressisme le PS (13,98), EELV (8,95), Nouvelle Donne (2,9) et AEI (1,12), dans Libéralisme l'UDI (9,94) et Nous Citoyens (1,41) et dans Nationalisme le FN (24,86) et DLF (3,82).

En 2017 dans Progressisme le PS (6,36) et dans Nationalisme le FN (21,3) et DLF (4,7).

En 2019 dans Anticapitalisme LFI (6,31), le PCF (2,47), dans Progressisme EELV (13,47), le PS (6,19), Génération.s (3,27), le Parti Animaliste (2,17) et Urgence écologie (1,82) , dans Libéralisme LREM (22,41), l'UDI (2,5), dans Conservatisme LR (8,48), et dans Nationalisme le RN (23,31) et DLF (3,51).

Ensuite, certaines formations politiques (LFI, LREM, UMP/LR) ne rentrent pas à chaque fois dans une unique idéologie, et c'est d'ailleurs tout l'intérêt de l'exercice. Pour les partager, et c'est peut-être la plus grosse faille, j'ai vu que 50/50 donnait un écart-type correct sur la moyenne des 3 scrutins.

Ainsi en 2014 j'ai mis la moitié de l'UMP (20,81) dans Libéralisme et l'autre moitié dans Conservatisme. De même en 2017 j'ai partagé LFI (19,58) entre Anticapitalisme et Progressisme, EM (24,01) entre Progressisme et Libéralisme, LR (20,01) entre Libéralisme et Conservatisme.

Selon moi, les très jeunes partis de LFI et EM ont brouillés l'électorat progressiste en 2017, qui a ensuite eu 2 ans pour mieux les positionner idéologiquement. Quant à l'UMP/LR, comme je l'ai déjà évoqué, il a historiquement aggloméré une "droite" pour certains libérale et pour d'autres conservatrice, ce qui n'est plus le cas en 2019.

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SI malgré toutes ces failles, on tente néanmoins d'interpréter un peu ce graphique, en voici ma lecture : ce cercle est un spectre continu, les idéologies adjacentes se chevauchant partiellement. Un individu peut être à la fois libéral et progressiste, ou progressiste et tendre vers l'anticapitalisme. Une personne plus libérale que progressiste pourrait donc être en faveur de mesures sociales ou environnementales, tant qu'elles ne s'opposent pas au libéralisme, et inversemment. 

En revanche je n'imagine pas un individu combiner deux idéologies non adjacentes : progressiste et conservateur ou nationaliste, libéral et nationaliste ou anticapitaliste. On peut donc imaginer que chaque personne se situe à un point donné de ce cercle. J'ai également fait le choix de représenter un cercle complet, l'anticapitalisme apparaissant comme adjacent au nationalisme, et cela me parait assez réaliste.

Bref, j'espère que malgré tant d'approximations, cette vision un peu différente de l'électorat français vous aura inspiré, et je suis preneur de toutes remarques, critiques et sources d'amélioration.


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Post-scriptum.
Cet exercice a au moins le mérite d'illustrer qu'il était vain d'espérer une vague écologiste. Si les partis politiques vont et viennent, il faudrait un changement radical de société pour faire changer massivement une population d'idéologie. Faute de quoi il n'y aura toujours que la part actuellement définie comme progressiste pour faire valoir sa sensibilité environnementale.

Second post-scriptum.
Les agences de sondages ayant fait leur travail, j'ai quelques chiffres plus rigoureux à présenter : 



Cela vient appuyer certaines de mes suppositions : des électeurs de LREM et LFI en 2017 se sont révélés cette année progressistes, de LR libéraux. En revanche des Républicains et des Insoumis de 2017 apparaissent nationalistes, ce que je n'ai pas pris en compte. Si je trouve la motivation, j'essayerai de revoir mes chiffres en intégrant ces données. 

J'aimerais finir sur une note positive : selon ce sondage, 5% des électeurs du FN en 2017 ont voté pour EELV cette année ! Les conséquences du réchauffement climatique pourraient-elles réussir là où toutes les stratégies pour miner l'extrême droite ont échoué ?

Troisième post-scriptum (le 26/12/21).
Un travail beaucoup plus rigoureux a été fait par Cluster 17, et si je rapproche leurs clusters politiques de mes idéologies, j'obtiens le résultat suivant, à savoir nettement moins de progressistes et plus de nationalistes...


Pour information voici un récapitulatif des informations disponibles sur leur site :




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