dimanche 27 septembre 2020

 Donne-moi des ailes

2019 - Nicolas Vanier


Un récit magnifique. Au-delà d’un message fort sur la protection de la nature face à l’artificialisation et une critique du carcan administratif sur les initiatives du terrain, c’est une belle expérience qui est mise à l’écran. Cette œuvre brise des barrières : entre générations, entre modernité et sobriété, entre engagement personnel, professionnel et citoyen. C’est aussi le parcours initiatique de Thomas, qui commence avec l’étiquette d’adolescent citadin enfermé avec ses jeux vidéo, et s’ouvre peu à peu au monde qui l’entoure et sa beauté. Ce film donne de l’espoir, il rappelle que la fatalité n’existe pas pour les personnes qui se battent pour leurs valeurs ; que l’être humain peut être bienveillant ; que les bonnes idées viennent plus facilement des lieux d’actions que de bureaux à la capitale. Enfin, c’est l’histoire d’une aventure courageuse, enthousiasmante, et en partie véridique.

Malgré quelques personnages caricaturaux (la journaliste, le fonctionnaire norvégien), ceux principaux sont incarnés avec justesse. Certaines scènes sont émouvantes au point d’en verser une larme, et on ne saurait tenir rigueur de celles peu crédibles tellement elles sont belles. La musique est adéquate, la photographie dépaysante, le montage irréprochable. Enfin, on se doit d’évoquer le travail époustouflant de la dresseuse Muriel Bec : les oies du film ont réellement vécu ce que l’on voit à l’écran, de l’éclosion au voyage en Norvège !


Scénario : Christian Moullec et Matthieu Petit
Musique : Armand Amar
Photographie : Eric Guichard

samedi 1 août 2020

Portrait de la jeune fille en feu

2019 - Céline Sciamma


Cette œuvre est sublime : poétique, romantique, féministe. Plus que cela, c’est une ode à la vie. En sortant du couvent pour être mariée à la place de sa sœur décédée, Héloïse ne connait comme seuls plaisirs que les lectures et chants religieux. Sa première escapade en plein air, le simple fait de courir, est déjà une libération. Aussi la relation qui se développe avec Marianne, venue la peindre contre sa volonté, se révèle être un parcours initiatique, dont on savoure chaque nouvelle découverte avec elle. A l’exception de quelques figurants, le casting ne compte que quatre femmes, qui livrent un jeu d’émotions remarquable, d’autant plus que le film fait l’impasse sur le catalyseur émotionnel qu’est la musique. La bande originale, bien qu’elle se limite à un chant et un concerto, ne laisse pas indifférent : elle magnifie deux passages bouleversants du récit. Avec de surcroît une narration linéaire et aussi peu de décors que de personnages, Céline Sciamma fait le choix d’une réalisation sobre, privilégiant des thèmes forts et un traitement sentimental riche. Au-delà d’une illustration de la situation des femmes de l’époque, qu’elles soient artistes, aristocrates ou servantes, on y questionne subtilement les conventions artistiques et sociales. Surtout, l’amour qu’interprètent Noémie Merlant et Adèle Haenel est d’une beauté enivrante. Ce film est précieux.


Scénario : Céline Sciamma
Musique : Jean-Baptiste de Laubier et Arthur Simonini
Photographie : Claire Mathon

samedi 25 juillet 2020

La fille au bracelet

2020 - Stéphane Demoustier


Plus qu’une histoire de procès, voici l’histoire d’une fille dont on a volé la joie de vivre. Après le meurtre d’une amie dont elle est accusée, elle vit deux années avec un bracelet électronique à la cheville, déjà condamnée à vivre recluse. Autour de ce drame, différents caractères se déploient, tous profondément humains, à l’exception d’elle, impassible. On découvre la souffrance et le soutien inconditionnel de son père, la difficile renonciation de sa mère, la candeur de son petit frère. Dans ce film rythmé à la perfection, on découvre la profondeur de son personnage au travers du regard des autres, les témoins. Ce qui est jugé, attaqué par la procureure, défendu par son avocate, c’est sa vie, plus que le crime qui serait sien. Sa vie libre, secrète, et dévoilée au grand jour. La vie d’une adolescente qui ne devrait pas avoir de comptes à rendre… A moins qu’elle l’ait fait ?


Scénario : Stéphane Demoustier, d'après les oeuvres de Gonzalo Tobal et Ulises Porra
Musique : Carla Pallone
Photographie : Sylvain Verdet

lundi 13 juillet 2020

Adults in the room

2019 - Costa-Gavras



Costa-Gravas est surtout connu pour ses films historiques et politiques, Adults in the room n’y fait pas exception. Alors que la Grèce subit depuis sept ans la politique d’austérité et la vente de ses infrastructures imposées par les pouvoirs économiques européens, le parti Syriza accède au pouvoir en s’engageant à se libérer de cette emprise. Le film est centré sur Yánis Varoufákis, ministre des finances après ces élections de 2015, et la tâche herculéenne qu’il entreprend pour renégocier les exigences de l’Eurogroupe. Présenté comme déterminé autant que raisonnable et prêt à des concessions (il est bon de souligner que le scénario est basé sur son roman, donc coloré par sa subjectivité), il se heurte à un mur obtus. Les faits mis en scène, plus que dramatiques, relèvent de la tragédie, tellement l’impuissance et la fatalité sont omniprésentes. L’Eurogroupe, conscient de sa position dominante (dans la mesure où la résolution extrême d’une sortie de l’UE n’est pas pour lui déplaire), en abuse avec une vulgarité révoltante. 

Loin d’être un traitement technique comme peut l’être The Big Short, la narration se focalise ici sur des considérations relevant du bon sens, balayées par une logique financière impitoyable qui parvient à choquer un personnage pourtant cynique. Si les causes de la crise des subprimes présentées par Adam McKay relèvent de la stupidité d’une logique de profit individuel à court-terme, la gestion de ses conséquences présentée par Costa-Gravas est rageante par sa lucidité : les décisions prisent ne peuvent qu’empirer la situation de la Grèce, mais c’est au profit de ces autres pays, qui n’ont alors aucune raison de seulement écouter le protagoniste.

La réalisation est sobre, et on pourrait la trouver répétitive si cela ne visait pas justement à insister sur le jeu de dupes qui est mené. Chaque espoir d’amélioration, qu’on finit par imaginer être distribués avec sadisme, est rapidement douché par la position inchangée de l’Eurogroupe. On s’attache au personnage par empathie, sens de la justice, et finalement pitié. L’ancrage dans le réel est d’autant plus marquant qu’on reconnait plusieurs figures politiques européennes jouées par des actrices/acteurs ressemblants. Enfin, la conclusion métaphorique invite à se renseigner sur l’actualité, pour comprendre qu’encore cinq ans plus tard, rien n’a changé.


Scénario : Costa-Gavras & Stéphane Osmont (d'après l'oeuvre de Yánis Varoufákis)
Musique : Alexandre Desplat
Photographie : Yorgos Arvanitis

lundi 22 juin 2020

Privation de libertés

22 juin 2020


Lors de sa campagne présidentielle, M. Macron a expliqué à une classe d’enfants comment se décline la devise française sur le spectre politique : la liberté à droite, l’égalité à la gauche, lui le héros qui unira les deux avec la fraternité en prime. S’il a égaré cette dernière dans le même grenier que le pavillon de l’Aquarius, et que l’égalité sonne bien jusqu’à ce qu’il faille la faire passer en fauteuil roulant par une porte qui a perdu son obligation d’accessibilité en 2018, parlons un peu de cette liberté dont raffole la droite politique.

C’est la rengaine des opposants à l’écologie : nous autres khmers verts prônons la privation de libertés, pour notre plus grand plaisir d’ailleurs. Après les nationales à 80 km/h, imaginez notre jouissance à la simple évocation de tous ces champions de la liberté se trainant à 110 sur l’autoroute. Une clarification s’impose : de quelle liberté parle-t-on ? Celle de conduire 20% plus vite. Dans ce cas, que dire de la privation de notre liberté à conduire sans permis, ou en état d’ébriété ? Qu’est devenu notre liberté de tuer, ou de réduire en esclavage ?

Nous avons jugé, à des moments clés de notre histoire, que certaines libertés avaient plus de valeurs que d’autres : celle de se déplacer en sécurité, ou de décider de son avenir. Nous vivons aujourd’hui un autre de ces moments clés : alors qu’il reste 4% de mammifères sauvages sur Terre, que le continent de plastique au milieu du Pacifique fait 3 fois la taille de la France, ou qu’il a fait 38°C en Sibérie hier, nous défendons la liberté du Vivant à continuer d’exister.

Pourtant, alors que le plus bel exercice démocratique qu’ait autorisé notre Vème République vient d’accoucher de 150 propositions relevant pour la plupart d’un bon sens rafraichissant tellement on n’y croyait plus, la droite se dresse à nouveau d’un réflexe archaïque : qu’on laisse leur confort climatisé tranquille, le problème est ailleurs, comme toujours. Dans les pays pauvres où la croissance démographique aura bientôt épuisé toutes les ressources (il faudrait multiplier par 10 la population africaine pour égaler la consommation électrique américaine), au Brésil où les forêts brûlent (volontairement pour faire place au soja qui nourrit notre tendre viande), ou en Chine avec ses centrales à charbon (tandis qu’on retrouve des centrales thermiques d’Engie jusqu’en Australie, et qu’EDF compte en ériger une nouvelle en Guyane).

Alors, vos libertés égoïstes, je les condamne. Vous voulez parler de liberté, voilà les miennes : dénoncer, manifester, désobéir. Nous sommes la nature qui se défend.


samedi 18 janvier 2020

The Clone Wars : a story of pacifism and powerful characters

January 2020





I need to take a moment to talk about this series, remarkable in many ways. First, because of the impressive diversity of its episodes: story arcs are focused on amazing characters, others speak of profound subjects such as democracy and corruption, peace or resistance, while some episodes simply picture dumb robots fooling around. You can easily skip the latter, and I'd like to focus here on the ones you should definitely watch, and the reasons why. 

First, have in mind that you're facing 5 seasons of 22 episodes each, and even though most of them are worth the 20 minutes they'll take you, I selected 29 of the highest quality, and 23 additional ones not to be missed either.

Update: the season 7 has since been released (according to me there's nothing worth watching in the S6), I add 4 episodes from it.

In many ways, The Clone Wars fixes the flaws of the Star Wars prequel trilogy, be it in the complexity of politics and moral values or of the characters build.

Democracy

These first 4 episodes will prove you how serious the show can get. The beauty of democracy when defending public service is mitigated by the limits it finds in pressure groups and the business of war.

Corruption (S3E05 + 06)
War bill (S3E10 + 11) : finance, security, public service and the senate

Pacifism and Resistance

The major theme of the series, and first hint that you're watching more than another kid show, is pacifism. The creators do not hide they value negotiation over conflict, which doesn't stop them from picturing the failures of diplomacy. Some of the greatest characters introduced in this show fight strongly against the pursuit of the Clone War opposing the Republic and the Separatists, while others defend above all their neutrality. On the other hand, the Onderon arc is dedicated to the necessity of resistance against oppression, and the delicate intervention of a foreign nation in supporting so called terrorists.

Defenders of Peace (S1E13 + 14) : non-violence
Trespass on Native land (S1E15) : militarism VS diplomacy
Ryloth (S1E20 + 21) : foreign occupation
Mandalore (S2E12 + 13 + 14) : political neutrality
Both sides (S3E10) : negotiation and the other point of view
Onderon (S5E02 + 03 + 04 + 05) : civil war

Character Build

You may not like much characters such as Anakin or Padmé in the SW movies, and love them here. But more importantly, some of the new characters are more interesting than any movie's ones: the young and wise Senator Chuchi, the unshakeable idealist Duchess Satine, the charismatic rebel Steela Gerrera and her hot-head brother Saw... Yet none can equal the main character of this 5-season show: Ahsoka Tano. Although she does not appear in every episode (and I selected below only the best), Anakin's Padawan is... Damn, go watch the show. And of course, you must have heard about the return of the badass, mastermind, Obiwan-obsessed Sith Darth Maul... 

Ahsoka Tano (S1E19 + S3E04 + S3E07 + S3E10 + S4E14 + S5E02 + 03 + 04 + 05 + S5E17 + 18 + 19 + 20 + S7E09 + 10 + 11 + 12)
Darth Maul (S4E22 + S5E01 + S5E14 + 15 + 16 + S7E09 + 10 + 11 + 12

Story Telling

Finally, the following episodes, while not being among my favorites, are must-see. 

Boba Fett (S2E20 + 21 + 22 + S4E20)
Asajj Ventress and the Night Sisters (S3E12 + 13 + 14 + S4E19 + 20 + 21 + 22)
Mortis (S3E15 + 16 + 17) : Gods of the Force
The Citadel (S3E18 + 19 + 20) : Jedi prison
General Krell (S4E7 + 8 + 9 + 10) : war crime
Jedi Younglings (S5E06 + 7 + 8 + 9)

Obviously this selection is personal: for instance I'm not very fond of bounty hunters, but you may really enjoy the multiple episodes picturing some. I love the pirate Hondo Ohnaka, and he appears in my selection, but know that there's a lot more about him. You may never see the General Grievous if you stick to my list, yet many episodes stage him.

Enjoy!

(the episodes in orange are the ones I already quoted in another catergory)

jeudi 2 janvier 2020

Les Misérables

2019 - Ladj Ly




Les misérables, ce ne sont pas seulement les habitants de Montfermeil et de tous les quartiers défavorisés de France, ce sont tout autant les policiers et toutes ces personnes poussées à des actes tragiques par un système qui les dépasse. Le film de Ladj Ly n’en est pas moins un réquisitoire contre les violences policières et sa propension à se protéger elle-même avant les citoyens. L’histoire chavire au moment où un des « bacqueux » abat à bout portant un enfant de la cité d’un tir de LBD, pris de panique alors que son équipe est submergée par une foule de jeunes en colère. Découvrant que la scène a été filmée, les agents de la BAC traquent cette pièce à conviction plutôt que conduire la victime inconsciente à l’hôpital.

A travers le regard de Stéphane, policier tout juste arrivé de Cherbourg, pétri de morale et ignorant de la réalité des banlieues, on assimile peu à peu la complexité de la situation. Face à des actes d’une extrême violence entre « civils », il finit lui aussi par mettre le doigt sur la gâchette. Il n’est pourtant qu’une victime de la perte totale de confiance des habitants envers son service. Une mère s’insurge : bien sûr que les enfants courent en voyant la police, quand la police les traite de la sorte. Une autre menace d’appeler la… police, quand des agents tentent de forcer l’entrée chez elle. Lorsqu’un jeune est en difficulté, il ne se tourne évidemment pas vers ces représentants de la loi censés le protéger, mais plutôt vers un prêcheur musulman du quartier. Lorsqu’on l’écoute, personnage le plus sage du récit, on ferait de même.

Cette perte de confiance, elle s’explique avec le personnage de Chris, chef de l’équipe, pervers raciste, caractériel et abusant constamment de son pouvoir. Elle s’explique surtout par la lucidité de la commissaire à son égard. C’est nécessaire, selon elle, quand on sait ce qu’on a en face. On ne se leurre pas, c’est une guerre qui est menée, avec l’équipement et le recrutement proportionnés.

Ce film est important, profondément social, et malheureusement autant d’actualité que criant de vérité.

“Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs.”
Victor Hugo, Les Misérables

Scénario : Ladj Ly, Giordano Gederlini, Alexis Manenti
Musique : Pink Noise
Photographie : Julien Poupard