dimanche 13 novembre 2016

La sensibilité

Octobre 2015



Je vis, verrez-vous ?

Quel est le propre de l’Homme ? Pour l’artiste, c’est la capacité à créer. Pour le croyant, c’est la foi. Pour l’érudit, c’est la culture. Pour le philosophe, c’est la réflexion. Pour le scientifique, c’est la possibilité de comprendre et maitriser. Et pour moi ? Et bien je ne vous poserais qu’une question : un animal peut-il s’émerveiller ? Le propre de l’Homme, c’est sa sensibilité. Au fond, artiste, croyant, érudit, philosophe et scientifique s’accordent là-dessus, je pense.

Pourtant cette sensibilité, nous la perdons lentement, trop engoncés que nous sommes dans notre confort, notre douce et rassurante passivité. Le génie peut aujourd’hui nous sembler hors de portée, et pourtant il est aussi que nous. Mais le génie est sensible. A quoi ? A un passant dans une rame de métro, à un reflet sur la vitre d’un immeuble. La sensibilité, c’est de rester disponible à toutes ces petites choses qui nous paraissent banales, monotones, déjà vu. Le problème est là : nous sommes blasés. Notre environnement nous semble contrôlé, sans risque, mais surtout, sans nouveauté. Alors qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour déceler beauté et originalité partout. Vivre chaque jour comme si c’était le premier.

Seulement un écran se dresse entre nous et notre sublimation : l’efficacité. Nous sommes incités à toujours plus apprendre, voir et écouter, nous ne pouvons plus perdre un instant. Quelle autre raison peut vous pousser à vous jeter sur votre portable sans arrêt, pour reprendre un énième jeu ou envoyer un message, simplement pour meubler tous ces temps « morts » ? Sauf qu’il ne s’agit pas de temps morts, mais de temps « libres ». Le génie, c’est celui qui n’hésite pas à saisir cette liberté. Plutôt simple, en somme. Alors qu’attendez-vous ?

Je vous propose un exercice simple : éteignez votre portable pour une journée, une seule. Pas de musique dans le tram, pas de sms pendant les pauses. Et pour une journée, pas plus, ne pensez pas à ce temps que vous perdez : pensez à celui que vous gagnez. Si cela vous a paru inutile, voir contre-productif, et que votre journée habituelle vous allait bien mieux, dites-vous juste que comme toute expérience, elle méritait d’être vécue. Mais qui sait, peut-être découvrirez-vous quelque chose…

A ce premier constat s’ajoute une multitude de sujets portant à réflexion : par exemple, pourquoi faire dans l’écologie ? La raison pour laquelle, à mon avis, nous le devons, c’est que depuis les débuts de l’humanité la nature a été sa source d’inspiration exclusive. Si elle disparait, nous n’aurons plus rien auquel être sensible, et donc plus de pistes d’innovation, autant scientifique qu’artistique.

En politique maintenant, ou plutôt dans les priorités d’ordre social : chaque individu, chaque parti et même chaque régime cherche ce qui lui assure la plus grande stabilité. Et nombreux sont ceux qui se leurrent en pensant pouvoir parvenir à cela sans consensus. A l’échelle d’une vie, cela se vérifie parfois, mais je m’interroge ici sur le devenir de l’humanité, et selon moi, il est encore ici question de sensibilité. On peut invoquer la liberté limitée par celle des autres, celle d’expression, d’actes et de pensées (oui, même cela est partiellement violé par une société trop normée). Mais ce qui réside au cœur de tout cela, c’est le respect d’autrui, ce que certains nomment solennellement la fraternité. Si tout un chacun devient capable de s’exprimer, d’agir et de penser dans le respect des autres, alors on peut avoir consensus (et non pas unanimité, il doit et devra toujours y avoir débat et divergence d’opinion pour ne pas tuer la conscience humaine), et alors on peut rêver de liberté, d’égalité et, pourquoi pas, de profit. 

Bien sûr le respect peut paraitre un songe d’utopiste, et il l’est en effet si on ne discerne pas son origine. Vous avez deviné ? La sensibilité. Je ne demande pas d’altruisme inconditionnel, d’empathie pathologique, mais simplement d’ouvrir ses yeux un peu plus grand, et s’autoriser ainsi deux principes de vie fondamentaux : comprendre, et comprendre ; appréhender, et accepter.


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